jeudi, 08 mai 2025
Directive de Douguine: «L'essentiel est que les élections en Roumanie aient eu lieu»
Directive de Douguine: «L'essentiel est que les élections en Roumanie aient eu lieu»
Alexandre Douguine
La victoire du candidat souverainiste George Simion au premier tour des élections présidentielles roumaines est un événement très important. Elle confirme la volonté du peuple roumain de mettre fin à l'omnipotence des euro-élites libérales et à la dictature mondialiste. En même temps, nous ne devons pas oublier que le peuple roumain est une nation orthodoxe. Et si George Simion, ainsi que Calin Georgescu, précédemment évincé, parlent d'un retour aux valeurs traditionnelles, ils veulent dire un retour à l'orthodoxie.
« Une vague de révolutions conservatrices se lève actuellement en Europe. Les partisans des valeurs traditionnelles se heurtent aux mondialistes. Nous avons vu l'acte précédent de ce drame en Amérique dans la lutte des Trumpistes contre les mondialistes, ce qui a eu pour résultat que les mêmes partisans des valeurs traditionnelles ont gagné les dernières élections aux États-Unis.
Aujourd'hui, cette révolution conservatrice s'est étendue à l'Europe, et nous voyons avec quelle férocité elle est combattue par des libéraux, devenus enragés, qui ont littéralement établi une dictature dans la plupart des pays européens. Par exemple, l'autre jour, ils ont désigné le parti souverainiste et conservateur Alternative pour l'Allemagne (AfD) comme une « organisation extrémiste » sans aucune raison valable. Cela défie essentiellement la nouvelle administration américaine, puisque Trump et Musk avaient auparavant soutenu l'AfD.
De même, Trump, Musk et les trumpistes ont également soutenu le souverainiste roumain Calin Georgescu, qui a été illégalement écarté de l'élection présidentielle de 2025 et qui avait précédemment remporté le premier tour de 2024, dont les résultats ont été tout aussi illégalement annulés en raison des accusations totalement infondées prétendant que Georgescu travaille pour la Russie. Aujourd'hui, lors d'un autre premier tour, George Simion, soutenu par Calin Georgescu, a remporté la première place avec 41% des voix. En ce sens, sa victoire est une victoire du peuple roumain et de toute l'Europe conservatrice sur la dictature libérale mondialiste.
Bien sûr, nos positions géopolitiques russes ne coïncident pas toutes avec le programme de Simion. Mais il est contre le régime de Kiev, contre la guerre, contre le libéralisme et sa dictature, et il est donc objectivement notre allié. Il n'y aura pas d'harmonie facile dans nos relations, mais au moins les partisans de Simion sont les ennemis de nos ennemis.
Cela dit, je pense que les mondialistes vont maintenant tenter quelque chose d'autre contre le peuple roumain. La première tentative de porter le candidat conservateur Calin Georgescu à la présidence de la Roumanie a échoué. Il s'agit maintenant de la deuxième tentative. Et nous voyons que les mondialistes ne reculent devant rien: ni devant les assassinats politiques ni devant les méthodes purement terroristes visant l'interdiction et la poursuite en justice des personnalités politiques qu'ils n'aiment pas, ni devant la pratique scélérate d'annuler et de réviser des élections.
Nombreux sont ceux qui craignent les idées de George Simion qui songe à réunir la Roumanie et la Moldavie. À cela, je voudrais répondre que l'actuelle présidente moldave Maïa Sandu, une mondialiste et une protégée de Soros, est en opposition directe aux principes de souveraineté de Simion. Par conséquent, dans ce contexte, il est évident qu'il y aura un malentendu total entre eux. Et je n'exclus même pas que la Roumanie devienne bientôt plus proche de la Russie que la Moldavie, qui nous était si chère et si proche.
Mais aujourd'hui, le plus important est que ces élections aient encore pu avoir lieu. Pour que les Roumains puissent exprimer souverainement leur volonté et que les mondialistes européens, qui ont instauré leur dictature libérale, y compris en Roumanie, ne puissent plus perturber cette libre expression de la volonté du peuple roumain orthodoxe.
19:15 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre douguine, roumanie, europe, affaires européennes, élections roumaines, politique, george simion | |
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samedi, 03 mai 2025
Directive de Douguine: «Le conflit entre le Pakistan et l'Inde repose sur des bases très sérieuses»
Directive de Douguine: «Le conflit entre le Pakistan et l'Inde repose sur des bases très sérieuses»
Alexandre Douguine
Il fut un temps où les Britanniques, en remettant le pouvoir dans leur ancienne colonie, l'Inde, aux Indiens eux-mêmes, ont créé une situation dans laquelle le pays était divisé selon des critères religieux. Pour limiter la souveraineté de ces États nouvellement libérés et continuer subrepticement à les gouverner, ils ont alimenté les conflits religieux. Selon Alexandre Douguine, directeur de l'Institut Tsargrad et philosophe, il s'agit de la pratique britannique habituelle du « diviser pour régner » :
« Cela signifie qu'ayant perdu leur domination directe sur les peuples de leurs anciennes colonies, les Britanniques ont posé une mine à retardement sous ces dernières. Bien que le Pakistan et l'Inde fassent partie d'un même État-civilisation. En même temps, il y a beaucoup de musulmans en Inde, et ethniquement, ils sont tous très proches.
Par conséquent, les parties divisées de cet État-civilisation se sont retrouvées en forte opposition l'une à l'autre. En Inde, les hindous sont majoritaires et définissent de plus en plus leur identité selon les critères de l'hindutva ("hindouïté"). Au Pakistan, avec l'aide des Britanniques puis des Américains, un État islamiste s'est formé. Cela a certainement contribuer à bétonner une source de conflit idéologique.
Le conflit s'est étendu à certains États de l'Inde, en particulier le Jammu-et-Cachemire, où une partie importante de la population musulmane est influencée par les éléments les plus radicaux. Le Pakistan a joué un rôle direct dans cette situation. Mais pas seulement: des représentants d'ISIS*, interdit en Russie, et d'Al-Qaïda*, interdit en Russie, y étaient également actifs. Tout cela est une pratique courante des services de renseignement occidentaux, la CIA et le MI6, dans la gestion des conflits.
Tout récemment, une explosion a eu lieu dans l'État du Jammu-et-Cachemire, faisant plus de 20 morts. Les autorités indiennes ont accusé le Pakistan d'être à l'origine de l'attentat. Il en a résulté une escalade. Cette fois, la réaction des Indiens a été très vive: des décisions ont été prises pour interdire aux avions pakistanais de survoler l'Inde, pour expulser du pays les personnes ayant la nationalité pakistanaise et pour bloquer le cours de l'Indus dans la vallée de Lipa.
Il s'agit d'une réaction très sérieuse, qui s'est avérée extrêmement douloureuse pour le Pakistan sur le plan des infrastructures, de la politique et de la géopolitique. En fait, un conflit entre deux pays dotés de l'arme nucléaire vient d'éclater. Et bien sûr, cela pourrait avoir des conséquences très graves.
Il est difficile de dire jusqu'où cela ira. Mais il est évident que ce qui se passe est favorable, avant tout, à George Soros et aux mondialistes occidentaux. Ils sont en train de créer une nouvelle guerre dans laquelle les trois grandes puissances contre lesquelles les mondialistes se battent actuellement - la Chine, la Russie et les États-Unis trumpistes - seront immanquablement entraînées.
Les intérêts de ces pays et de l'Inde elle-même, qui est aussi une grande puissance, peuvent maintenant entrer en conflit. Et cela ressemble fort à une provocation mondialiste, car l'Inde est orientée vers les États-Unis et vers Trump personnellement. Par ailleurs, la Chine, qui soutient le Pakistan, a de graves conflits avec l'Inde au Ladakh (régions montagneuses frontalières). C'est pourquoi la Russie, qui est amie à la fois de l'Inde et de la Chine, tente depuis des années de promouvoir la paix entre ces États-civilisation. Aujourd'hui, elle noue également des relations avec Trump.
Par conséquent, dans la situation émergente, tout le monde est impliqué dans un conflit les uns contre les autres. Ce serait une formidable aubaine pour les mondialistes qui, ayant subi une défaite cuisante aux États-Unis, ne contrôlent plus que l'Europe. Par conséquent, le conflit indo-pakistanais est plus qu'à leur avantage, ce qui est très dangereux. Les conflits Chine-Inde, Inde-Inde et Inde-Monde islamique sont déjà en place. Dans le même temps, ce qui se passe détourne l'attention du monde de la Syrie, de la bande de Gaza et du Moyen-Orient en général. Tout cela est un moyen évident de creuser un fossé entre les principaux piliers du monde multipolaire. Et c'est pourquoi je suis sûr que Soros était impliqué.
Mais, je le répète, la Russie a d'excellentes relations avec l'Inde et la Chine et de bonnes relations avec le Pakistan. Par conséquent, en utilisant ces bons rapports comme leviers, la diplomatie russe pourrait aujourd'hui résoudre activement et surtout efficacement la situation conflictuelle actuelle qui menace le monde entier ».
20:26 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : alexandre douguine, actualité, politique internationale, inde, chine, asie, affaires asiatiques | |
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jeudi, 01 mai 2025
Douguine: "Semer la discorde entre la Russie et la Chine est «tout simplement impossible»"
Le philosophe russe antilibéral Douguine: "Semer la discorde entre la Russie et la Chine est «tout simplement impossible»"
Alexandre Douguine
Dans un article publié par le média russe Tsargrad.tv, le philosophe russe antilibéral Alexandre Douguine affirme que les États-Unis ne parviendront pas à semer la discorde entre la Russie et la Chine. « Quels que soient les efforts déployés par les forces tierces pour semer la discorde entre nous, c'est tout simplement impossible, car cela contredit le caractère de nos dirigeants, nos intérêts géopolitiques et le système de relations qui s'est formé entre nos pays », a déclaré A. Douguine.
"Un beau rituel diplomatique confucéen"
« Actuellement, nous jouissons d'un partenariat très étroit avec la Chine. Il existe une alliance géopolitique entre la Russie et la Chine. Et aucun autre processus de la politique mondiale ne peut, par définition, avoir une influence décisive sur cette alliance. Quels que soient les efforts déployés par des forces tierces pour semer la discorde entre nous, c'est tout simplement impossible, car cela contredit le caractère de nos dirigeants, nos intérêts géopolitiques et le système de relations qui s'est formé entre nos pays.
« La visite de Wang Yi [à Moscou les 31 mars et 1er avril] était en effet rituelle, car elle ne change rien et ne peut rien changer à nos relations, qui se développent selon leur propre logique et impliquent des échanges similaires de visites de représentants de ministères et d'agences à différents niveaux. C'est un beau rituel diplomatique confucéen: des rencontres régulières de représentants plénipotentiaires des deux grandes puissances, pôles du monde multipolaire, pour discuter de problèmes urgents. Et à cet égard, la visite d'aujourd'hui s'inscrit bien dans la structure de l'étiquette diplomatique et géopolitique.
« Cependant, les relations russo-américaines ont également été discutées avec Wang Yi, ainsi que tous les derniers événements liés à Donald Trump. Ces développements introduisent de nouveaux éléments significatifs dans notre géopolitique commune [avec la RPC] et exacerbent en partie les relations des États-Unis avec la Chine. La façon dont Trump modifie la géopolitique dans les relations avec ses partenaires européens, ainsi que la nouvelle situation politique qui se développe aux États-Unis eux-mêmes, influencent directement la Chine et nous.
« Nous sommes affectés parce que nous sommes en guerre avec les États-Unis en Ukraine. Et bien que Trump, comme il semble, veuille s'en retirer, l'accord qu'il nous propose ne convient à personne : ni à nous, ni à l'Ukraine, ni à l'Europe. L'approche précipitée ne fonctionne pas, et cela ne peut évidemment que frustrer Trump. La situation évolue donc vers une sorte de petite escalade. Naturellement, ce n'est pas la situation précédente, mais localement, les tensions dans notre relation avec les États-Unis s'intensifient à nouveau. Tout comme dans les relations entre les États-Unis et la Chine. Et bien sûr, il était nécessaire de discuter de tout cela lors de la visite du chef de la politique étrangère chinoise en Russie. Je pense que les positions de la Russie et de la Chine sont à peu près les mêmes.
« Nous ne surestimons pas Trump et nous ne pensons pas qu'il va nous apporter la victoire [dans la guerre avec l'Ukraine] sur un plateau. C'est impossible. Mais nous le jugeons sainement, en notant les nombreux aspects positifs du trumpisme. Ainsi, nous saluons même le retour aux valeurs traditionnelles et bien d'autres facteurs détaillés. C'est évident : [cette politique] est bien meilleure que [celle de] l'administration américaine précédente. Toutefois, cette sympathie pour le trumpisme ne signifie pas que nous sommes prêts à abandonner la poursuite de nos propres lignes fondamentales en politique internationale pour quelques promesses douteuses et ardues.
Le 1er avril 2025, le président russe Vladimir Poutine a rencontré le membre du Bureau politique du Comité central du PCC et ministre des Affaires étrangères Wang Yi à Moscou. « Vladimir Poutine a demandé à Wang Yi de transmettre ses sincères salutations au président Xi Jinping et s'est réjoui de voir les différents accords communs conclus avec le président Xi Jinping être effectivement mis en œuvre. Les relations entre la Russie et la Chine continuent de se développer à un niveau élevé, la coopération pratique s'approfondissant dans divers domaines et les « Années culturelles Russie-Chine » en cours suscitant des réactions positives et enthousiastes, consolidant ainsi le soutien du public à l'amitié bilatérale », a déclaré le ministère chinois des affaires étrangères. (Source: Fmprc.gov.cn, 1er avril 2025)
« Wang Yi a transmis les salutations chaleureuses du président Xi Jinping au président Vladimir Poutine. Il a déclaré que, sous la direction stratégique et les efforts conjoints des deux chefs d'État, une relation Chine-Russie mature, résiliente et stable, avec une confiance mutuelle politique approfondie, une coordination stratégique plus étroite et une coopération pratique renforcée, sauvegardait le développement et la revitalisation des deux nations et leurs intérêts communs dans les grandes affaires internationales et régionales. La coopération entre la Chine et la Russie ne vise jamais une tierce partie et reste imperméable à toute ingérence extérieure. Les relations entre la Chine et la Russie continueront à s'élargir et non à stagner. L'amitié entre la Chine et la Russie n'est pas axée sur le présent, mais sur un avenir à long terme », a déclaré le ministère chinois des affaires étrangères (Source : Fmprc.gov.cn, 1er avril 2025)
« L'agressivité des États-Unis se déplace légèrement de la Russie vers la Chine, mais ce n'est ni fondamental ni irréversible.
« Où, je sais que certains trumpistes voudraient proposer à la Russie une alliance avec les États-Unis pour remplacer notre alliance avec la Chine. Mais c'est tout simplement naïf et irréaliste. Une autre chose serait que les pôles déjà établis du monde multipolaire - les États-Unis, la Chine, la Russie, l'Inde - se mettent d'accord ensemble sur de nouvelles règles pour l'ère post-libérale, post-mondialisation. Ce serait une bonne chose.
« Il est grand temps de discuter sérieusement de la redistribution des zones d'influence et des intérêts des États-civilisation souverains. D'ailleurs, ces États-civilisation ont beaucoup plus de points communs que de différences. Ceux qui le pensent naïvement ne comprennent ni Poutine ni Xi Jinping.
« Il est donc impossible de semer la discorde entre nous et la Chine, car nous avons des valeurs communes, des intérêts communs et une stratégie commune - le [projet] de la Grande Eurasie. Tout cela ne fait l'objet d'aucun commerce, ne peut être vendu, tout comme notre Victoire et nos intérêts nationaux (et, soit dit en passant, tout comme les intérêts américains). À cet égard, nous pouvons nous comprendre et trouver un consensus. Un long chemin nous attend. C'est une bonne chose que nous nous y soyons déjà engagés, mais Trump a beaucoup à apprendre dans un monde multipolaire. De notre côté, la Chine et nous vivons dans ce monde, nous l'avons créé et nous le construisons.
« Bien sûr, l'Amérique trumpiste a aussi sa place digne dans ce monde multipolaire, mais elle n'est pas le seul hégémon et le seul pôle [de puissance]. Par conséquent, Trump ne peut pas poursuivre une politique de 'diviser pour régner', en particulier en opposant la Russie à la Chine, en essayant de régner sur nous. Cela ne passera certainement pas. Quoi qu'il en soit, dans ces circonstances, il est important que nous vérifiions nos positions et que nous démontrions notre conscience commune, partagée avec la Chine, quant aux processus en cours, y compris l'évaluation des nouveaux facteurs qu'apporte Trump dans la politique mondiale.
« En fait, tout cela est devenu le sujet et le contenu principal de la visite de Wang Yi en Russie. Et, pour autant que je sache, au cours des discussions, les parties se sont parfaitement comprises, et nos évaluations ont complètement coïncidé. Il est vrai que les risques augmentent et que l'agressivité des États-Unis se déplace légèrement de la Russie vers la Chine, mais cela n'est ni fondamental ni irréversible. La meilleure façon de sauvegarder sa souveraineté est d'être prêt à repousser toute agression, d'où qu'elle vienne. C'est le principe fondamental que nous poursuivons et le principal moyen de rendre le monde juste : comprendre et respecter les autres et ne pas franchir les « lignes rouges ».
« En un mot, l'exemple de diplomatie démontré aujourd'hui par la Russie et la Chine au monde entier est utile non seulement dans nos relations bilatérales, mais aussi dans les relations de nos pays avec le reste du monde. Alors, faites comme les Russes, faites comme les Chinois, et vous serez heureux ».
13:51 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : atualité, chine, russie, états-unis, politique internationale, alexandre douguine | |
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lundi, 28 avril 2025
L'âge de l'Arctique: la bataille pour l'Hyperborée (Escalade)
L'âge de l'Arctique: la bataille pour l'Hyperborée (Escalade)
Alexandre Douguine
Tatiana Ladiaeva (Sputnik) : Jetons un coup d'œil sur les réactions internationales suite au Forum arctique qui s'est tenu à Mourmansk, où s'est notamment exprimé le président russe Vladimir Poutine. Il est certain que de nombreuses déclarations ont été consacrées directement à la coopération et au développement dans la région arctique avec d'autres pays. Des délégations de 20 pays se sont rendues à Mourmansk, y compris des États-Unis. Voyons qui sont ces délégations et comment elles ont réagi aux déclarations du dirigeant russe.
Alexandre Douguine : Tout d'abord, si nous parlons de ce voyage très important de Poutine, il avait en vue deux objectifs complètement différents. Il y a eu deux discours, deux narratifs, si vous voulez - deux discours qui s'adressaient à des publics complètement différents. Le premier public est un public international. Le discours porte donc sur le fait que l'importance de l'Arctique s'accroît sous nos yeux. Je pense que les vrais dirigeants des puissances souveraines sont conscients de la réalité de ce que l'on appelle généralement le réchauffement climatique. Le fait est que, contrairement à cette idéologie environnementale qui réduit toutes les causes du réchauffement aux processus industriels, en réalité, il faut dire que la plus grande libération de méthane se produit dans la nature, et qu'elle ne dépend pas de notre intervention humaine. Cela va beaucoup plus vite qu'il n'y paraît, et bientôt celui qui contrôlera les zones polaires, les zones côtières de l'Arctique et l'Arctique lui-même aura, en fait, un avantage absolument inestimable dans l'horizon stratégique. Cela est bien compris par Trump, qui s'est clairement exprimé et a concocté des plans réels, mais non pas sur base de l'idéologie environnementale, qui n'a rien à voir avec le vrai problème et sert simplement certains objectifs mondialistes.
La véritable question du changement climatique est vraiment importante. Et, bien sûr, c'est la raison pour laquelle l'Amérique se préoccupe tant du Groenland et du Canada, parce que ces territoires deviennent tout simplement vitaux pour la souveraineté dans la prochaine étape. Celui qui contrôlera l'Arctique contrôlera le monde. Telle est la nouvelle loi de la géopolitique arctique, qui est en train de devenir l'un des facteurs les plus importants du jeu mondial. Poutine en est parfaitement conscient. C'est pourquoi il a lancé un appel aux pays arctiques, qui auront cet avantage géographique à l'avenir, en leur proposant de coopérer et de résoudre les problèmes de manière pacifique, car c'est dans l'Arctique qu'une véritable guerre pourrait éclater, non pas une guerre simplement locale, non pas une guerre sectorielle, mais une véritable guerre mondiale. Pour l'éviter, nous devons en parler ouvertement avec ceux qui sont réellement intéressés et impliqués dans le processus et ceux que cela concerne vraiment.
Le second message de Poutine, complètement différent, s'adressait, je pense, à nous, Russes. Il a prévenu notre société qu'il n'y aurait probablement pas de cessez-le-feu. Très probablement, nous ne devrions pas compter sur une fin rapide du conflit en Ukraine contre l'Occident, ce n'est pas réaliste. Tout le monde, bien sûr, a couru et s'est bousculé dès que la désescalade, dont nous parlons beaucoup depuis l'avènement de Trump, a commencé, mais Poutine prévient que cela n'arrivera probablement pas - il n'y aura pas de fin rapide au conflit. Pourquoi ? Nous avons également dit à plusieurs reprises que malgré toute sa bienveillance et toute sa volonté d'ouverture, Trump ne parvient absolument pas à comprendre l'essence du problème ukrainien. Il pense probablement que s'il reconnaît la Crimée comme russe ou même deux voire quatre des oblasts conquis, il rendra à la Russie un service absolument inestimable, et Poutine acceptera n'importe quoi en échange. En fait, même si Trump devait reconnaître (ce qu'il n'est absolument pas prêt à faire) les quatre oblasts plus la Crimée dans leurs frontières complètes (ce que, à son tour, Poutine a proposé il y a un an lors de la conférence en Suisse, à laquelle la Russie n'avait pas été invitée auparavant ; Poutine a dit : notre but est le suivant - faire reconnaître tout ce qui a été acquis, dans des frontières complètes, les oblasts englobés à l'intérieur de la Russie, ces quatre nouvelles entités dont question, et nous penserons alors à un cessez-le-feu), cette proposition a une date d'expiration, et cette date d'expiration a clairement expiré. Et maintenant, Poutine dit : « nous ne les tuerons pas, mais nous les achèverons ». Cela signifie beaucoup de choses dans le langage politique. « Finir » signifie “gagner la guerre”. Nous gagnerons par des moyens militaires.
Il est clair que les négociations sur ces conditions inacceptables pour les deux parties sont dans l'impasse. Trump a proposé à Zelensky d'accepter ces nouvelles concessions territoriales, et c'est du suicide pour Zelensky. Ce qu'il nous propose équivaut à un suicide pour nous en général, nous devons aussi nous rendre compte que nous avons besoin d'une victoire, et nous mettons tout sur la balance de la victoire. Nous ne pouvons pas dire : « limitons-nous à un compromis », cela ne marchera pas du tout, personne dans la société ne l'acceptera, et le Président lui-même n'est pas d'humeur à le faire.
Je pense que le message était le suivant : comprenons que nous voulons la paix, mais la paix par la victoire. Nous avons besoin de la victoire, nous avons besoin de la réalisation de nos objectifs à l'échelle que nous, et pas quelqu'un d'autre (pas Trump, pas l'Union européenne), jugeons nécessaire, et c'est la seule chose qui nous conviendra.
Le signe pour notre société est très sérieux. La guerre continue, et c'est une guerre jusqu'à la victoire finale. « Finissons-en » - c'est ce qui ressort de la bouche du Président, très sérieusement. Il ne s'agit pas seulement d'observateurs, d'experts, de journalistes ou d'hommes politiques, mais de celui dont dépend le sort du monde et de l'humanité, qui dit : « nous n'en finirons pas si nous ne les achevons pas ». En d'autres termes, il est de moins en moins possible de les achever pacifiquement, alors nous les achèverons par d'autres moyens. C'est ce qu'a dit Poutine lorsqu'il s'est adressé à nous, Russes. Il a également parlé de la nécessité de renforcer le potentiel militaire, le potentiel de défense de notre pays, afin que nous ne nous relâchions pas la pression et que nous n'avalions pas des couleuvres lors des négociations. Les négociations sont en cours et M. Trump a déclaré qu'il reconnaissait déjà qu'elles étaient dans une impasse. Il a directement reproché à Zelensky d'avoir fait échouer l'accord sur les métaux rares.
Tatiana Ladiaeva : Mais il l'a en même temps menacé de lui occasionner certains problèmes, qui seront prétendument importants. La nature de ces problèmes n'est pas tout à fait claire. En d'autres termes, s'il existe une telle menace, la rupture de l'accord n'est pas encore définitive. Par ailleurs, en parlant d'échéances, M. Trump affirme qu'il y a une sorte d'« échéance psychologique ». C'est ainsi qu'il l'a appelée. Je pense qu'il est à bout de patience sur cette question. Bien qu'il soit en quelque sorte obligé de continuer à faire preuve de patience, il me semble....
Alexander Douguine : Ce qu'il est obligé de faire... c'est le côté souverain qui n'est pas autorisé, et nous ne pouvons pas indiquer ce qu'il est obligé de faire.
Tatiana Ladiaeva : Indiquer non, mais supposer.
Alexandre Douguine : La souveraineté réside dans le fait que le souverain n'est commandé par personne, c'est-à-dire par personne du tout. S'il croit en Dieu, alors Dieu est le décret, et s'il ne croit pas en Dieu, alors rien n'est le décret du tout, c'est-à-dire que rien ne prend la place de Dieu.
Il est intéressant de noter qu'il a, comme vous l'avez souligné à juste titre, critiqué directement Zelensky en disant qu'il le paierait très cher. En d'autres termes : « Vous paierez cher pour avoir rompu un accord que vous aviez pratiquement accepté ». Ce faisant, il a exprimé son mécontentement à Poutine. Mais si nous vérifions les faits, si vous voulez, un enregistrement du discours direct de Trump à Zelensky, qu'il était agacé par Poutine et en colère contre Poutine, cela a été relayé par un présentateur de CNN qui a été soi-disant appelé par Trump. Et il a spécifiquement dit, à cet animateur d'une chaîne qui n'est pas entièrement favorable à Trump, qu'il était en colère contre Poutine parce qu'il faisait traîner le cessez-le-feu et qu'il était dès lors prêt à imposer des droits de douane doublés sur le pétrole russe. C'est ce qui est très intéressant : que Trump ait appelé ou non, n'a guère d'importance - quoi qu'il en soit, il n'y a pas eu de réfutation par la suite. Mais en fait, il y a, d'une part, les preuves directes, les paroles directes de Trump, reprises dans la critique à Zelensky, et, d'autre part, un ancien mécontentement présumé mais non confirmé, une opposition à la Russie et à Poutine. Il s'agit là d'une pondération complètement différente de ces deux déclarations. Mais cela n'a pas d'importance, ce n'est même pas fondamental. Trump est un homme tel qu'il aurait pu parler en son âme et conscience, il aurait pu appeler, il aurait pu ne pas appeler. Au fond, cela demande un peu plus d'éclaircissements aussi.
Une situation très similaire se produisit à Odessa en 2022, parce que Zelensky, qui est complètement dépendant des États-Unis car sans l'aide et l'engagement total de l'armée américaine, de son renseignement, ne tiendrait pas une semaine dans une confrontation avec notre armée, du moins je le pense. S'il se rend compte que sans Trump, il ne peut tout simplement pas continuer cette guerre, c'est fini, c'est du suicide.
Et Zelensky s'est rendu compte qu'il avait exagéré, parce qu'il faut traiter Trump d'une autre manière : il faut lui donner tout ce qu'il demande - c'est, après tout, naturel. Il est le maître et son maître, et lui n'est qu'un esclave assigné à cette position dans le cadre du casting du jeu géopolitique et mondialiste.
Et maintenant, après la visite de Zelensky, il y a de nouvelles figures dans l'arène politique dont Keir Starmer qui a pris la place de Johnson, et il y a eu un appel de Macron. En outre, les contacts spéciaux de Zelensky avec Blinken et Nuland ont été révélés. Selon les informations disponibles, les représentants américains ont conseillé à Zelensky de ne pas faire confiance à Trump. Ainsi, si lors des accords d'Istanbul, il lui a été conseillé de ne pas faire confiance à Poutine et de rompre les accords, une recommandation similaire s'applique désormais à Trump. Il y a une certaine continuité dans les approches, malgré certains changements dans l'équilibre des forces politiques.
Tatiana Ladiaeva : Avant de passer à la discussion sur Elon Musk, j'aimerais clarifier un point. Vous avez mentionné une déclaration sur le site web du gouvernement britannique concernant les arrangements entre Keir Starmer et Donald Trump pour faire pression ensemble sur Vladimir Poutine. Étant donné les désaccords bien connus entre Starmer et Trump, pourriez-vous commenter la manière dont cette déclaration doit être interprétée et dans quelle mesure elle est vraie ? La Grande-Bretagne joue certainement un rôle important dans la question ukrainienne, et comprendre sa position dans ce contexte semble très important.
Alexandre Douguine : Eh bien, tout d'abord, il faut se rendre compte qu'il y a deux poids deux mesures en diplomatie, en grande politique...
Tatiana Ladiaeva : Personne ne l'a nié.
Alexandre Douguine : C'est vrai, personne ne l'a nié. Mais si nous mettons de côté la rhétorique diplomatique et la désinformation, la situation apparaît comme suit. Les États-Unis se retirent du conflit ukrainien, mais pas comme Trump l'avait prévu. Il espérait une paix rapide et la reconnaissance de son rôle dans le processus. Toutefois, comme cela a été prédit à plusieurs reprises, un tel scénario est irréaliste dans un contexte d'escalade. L'offre d'un cessez-le-feu selon les termes de Trump est inacceptable pour l'Ukraine et la Russie, et ne peut donc pas être sérieusement envisagée. Trump n'a donc pas d'autre choix que de se retirer de facto du conflit. Toutefois, ce retrait n'est pas une rupture brutale qui pourrait entraîner un changement rapide de la situation sur le champ de bataille. Trump est mécontent non seulement de Zelensky, mais aussi de la situation actuelle dans son ensemble, y compris de la position de la Russie. Il est probablement frustré de ne pas pouvoir parvenir à un accord avec Poutine, qu'il respecte apparemment. On peut supposer que Trump s'attendait à une plus grande volonté de compromis de la part de la Russie.
Mais Trump ne prend pas en compte le défi existentiel que représente l'Ukraine pour la Russie et n'associe pas cette donnée à ses démarches politiques. Il n'a pas été confronté à des situations similaires et il lui est donc difficile de comprendre pleinement ce qui se passe. Il faudra du temps à Trump pour comprendre la situation en Ukraine.
Si l'on s'éloigne des déclarations, les actions de Trump montrent son retrait réel du conflit. Il est mécontent de tous les participants et semble adopter une position non interventionniste. Cependant, sa rhétorique continue d'inclure des appels à un cessez-le-feu et à des négociations.
La réalité géopolitique est que les États-Unis se retirent progressivement de la guerre. Ce retrait n'a pas encore été pleinement ressenti, grâce aux ressources de l'Union européenne. L'Amérique, suivant sa géopolitique traditionnelle, se concentre sur ses problèmes intérieurs. L'Ukraine n'est pas une priorité pour Trump, mais ayant hérité de ce conflit, il tente de démontrer son influence, ce qui n'est pas très réussi.
L'opposition des mondialistes se poursuit et ils créent des obstacles à la fois pour la Russie et pour Trump en sabotant le monde multipolaire. Il est donc probable que le conflit se poursuive. Poutine, s'adressant aux citoyens russes, met en garde contre l'attente d'une résolution rapide de la situation. L'amélioration des relations avec les États-Unis est possible, mais le marchandage sur les intérêts primordiaux de la mère patrie est inacceptable pour Poutine.
Tatiana Ladiaeva : Alexander de Belgorod, notre auditeur régulier, dit que l'on a l'impression qu'une grave crise est en train de frapper les États-Unis, tant sur le plan financier que sur celui de la réputation, que les hauts dirigeants sont pris de panique et ne savent pas comment continuer à diriger le pays. Trump, en conséquence, tâtonne également, et sa rhétorique pourrait changer. Les Américains pourraient-ils faire quelque chose d'irrémédiablement stupide, demande Alexander. Prenons le temps d'y réfléchir.
Alexander Douguine : Je ne le pense pas. Je pense que Trump est de toute façon déterminé à désamorcer les relations avec la Russie. Il se « retire », il y a un « retrait » : il se retire de cette guerre en Ukraine. Oui, je suis d'accord, il a de vrais problèmes, très sérieux, et ils vont s'intensifier. Les forces anti-Trump se rassemblent et commencent à contre-attaquer. Trump aura des problèmes aux niveaux de l'économie, de la politique, des médias, etc. Mais il est absolument impossible de résoudre ces problèmes par une frappe nucléaire sur la Russie. On ne peut qu'aggraver la situation ou la faire échouer complètement et de manière irréversible. Trump l'a très bien compris, il va donc résoudre ces problèmes difficiles, faire face à ces défis plutôt agressifs et croissants d'une manière différente. Qu'il réussisse ou non, c'est difficile à dire à ce stade. Il commence maintenant, si l'on peut dire, sinon à reculer, du moins à ralentir sa progression.
Tatiana Ladiaeva : Nous avions promis de parler des incendies criminels du garage et des voitures Tesla. En particulier, un garage Tesla a été incendié en France, et sept voitures de cette marque ont brûlé sur le parking d'un showroom en Allemagne. Parlons d'abord de la situation en Europe. S'agit-il d'une protestation contre Trump, contre les Américains en général, ou contre Elon Musk personnellement ?
Alexander Douguine : Je pense qu'en Amérique, il est établi que la plupart des personnes qui vandalisent les installations et les voitures Tesla sont des transgenres, des féministes, des partisans du Parti démocrate. En Russie, ce sont des représentants d'organisations LGBT et des Ukrainiens. En principe, ils ont déjà fusionné leurs forces dans une direction très particulière, où la différence entre un Ukrainien, un nazi, un représentant de la communauté LGBT (interdite dans la Fédération de Russie) ou une personne transgenre est très difficile à saisir, parce qu'il s'agit d'une seule et même masse idéologique. Cette masse, à l'ère postmoderne, attache une grande importance à la guerre des symboles ou guerre sémantique. Ainsi, Musk est un symbole de Trump, Trump est un symbole de MAGA, Tesla est un symbole de Musk lui-même, de son entreprise. S'il était possible de brûler les comptes de X.com (réseau social interdit en Russie, anciennement Twitter), également propriété de Musk, je pense que l'internationale des transgenres ukrainiens le ferait aussi, avec l'argent de Soros. Brûler des comptes... on peut encore rendre folle l'intelligence artificielle.
À propos, on a récemment découvert que l'intelligence artificielle réagit dans certains cas comme un être humain : elle devient folle, elle a des crises mentales si on lui donne des instructions qui sont mutuellement exclusives, comme Bateson a défini la schizophrénie chez l'homme. Les parents qui s'expriment mal ou qui n'ont pas de pensée logique ont souvent des enfants qui souffrent de troubles mentaux parce qu'ils leur donnent des instructions qui s'excluent mutuellement (appelées « double bind »), comme « éloigne-toi de moi ». Si un enfant entend cela depuis son enfance, il devient fou. En principe, l'intelligence artificielle peut également être portée à ébullition de cette manière, comme le montrent de nouvelles recherches. Aujourd'hui, nous savons que X.com a acquis l'intelligence artificielle appartenant à Musk. Je pense donc que rendre l'intelligence artificielle de Musk folle sera également la tâche des transgenres et des Ukrainiens du monde entier, tout comme brûler les garages de Tesla, rayer les voitures avec des clés (ce qu'ils font en Amérique), attaquer les concessionnaires Tesla. Il s'agit d'une guerre symbolique, d'une guerre de symboles. Parce qu'elle est prise très au sérieux, elle poursuit ce qui se déroule sur le champ de bataille. En fait, elle n'est pas aussi inoffensive qu'elle en a l'air. Il s'agit d'une incitation à la haine. Trump, s'exprimant lors d'un rassemblement organisé (où des membres de cette masse ukrainienne-transgenre de Soros sont venus et ont tenté de perturber l'événement et de l'attaquer), a déclaré que, Dieu merci, le nombre de menaces de mort qu'il reçoit a diminué. Selon son équipe de sécurité, il y a habituellement 180.000 menaces de mort physiques par jour, mais maintenant il n'y en a plus que 170.000.
C'est une baisse. Ainsi, incendier les installations d'un concessionnaire de Tesla, endommager physiquement une voiture de marque Tesla, c'est tuer symboliquement Musk. Le meurtre symbolique d'Elon Musk est le meurtre symbolique de Donald Trump. Le meurtre symbolique de Donald Trump signifie le meurtre symbolique de cent millions d'Américains qui ont voté pour lui. Il s'agit donc d'une sorte de génocide symbolique perpétré par des forces politiques qui, en Amérique, n'acceptent pas leur défaite et qui, dans l'Union européenne, conservent des positions de premier ordre. Ce n'est pas si différent de l'envoi d'une aide militaire, y compris de soldats, sur le front ukrainien. C'est la même guerre. Une guerre symbolique, une guerre pour les valeurs mondialistes, une guerre pour permettre le changement de sexe à grande échelle. Et quand on regarde les propagandistes ukrainiens, quand on entend ce que disent les médias libéraux mondialistes en Europe et en Amérique, on voit émerger un degré de haine incroyable. Par rapport à nos médias et aux publications trumpistes, l'intensité est complètement différente. Il y a un groupe terroriste de personnes disposant d'énormes capacités - financières, politiques, organisationnelles -, avec un potentiel incroyablement grand, qui sont engagées dans le terrorisme mondial sur une base quotidienne. Et à l'ère du monde virtuel, ce que vous faites symboliquement peut être plus important que les actions physiques. Vous brûlez une Tesla ou vous la rayez, vous payez pour une tentative d'assassinat et vous applaudissez la tentative d'assassinat de Trump, ou, comme les « fake news » circulent maintenant en ligne, il y aurait eu une tentative d'assassinat de Poutine après que Zelensky ait dit qu'il ne lui restait plus longtemps à vivre. Rien ne s'est passé en réalité, mais peu importe, car les images d'une limousine en feu, filmées n'importe où, même au Cambodge, sans aucun souci de vraisemblance, sont aussi un élément de la guerre en cours. Sur le plan symbolique, des personnalités détestées par les mondialistes sont tuées, abattues. La frontière entre le fait de brûler une Tesla, qui semble ne causer que des dommages matériels à l'adversaire, et le fait d'aller au front, de tuer des Russes, de violer des femmes russes dans la région de Koursk, de maltraiter des enfants et des personnes âgées, de les bombarder, de leur lancer des grenades, est très mince. Nous, les gens un peu vieux jeu, nous pensons que c'est vraiment un crime. Et brûler une voiture, insulter quelqu'un sur les médias sociaux ou participer à un rassemblement contre un opposant politique est pour nous inacceptable mais nous avons affaire aujourd'hui à un niveau d'agression complètement différent. Aujourd'hui, c'est tout le contraire. Une personne qui brûle une Tesla réalise un acte de génocide contre ses opposants politiques et idéologiques. C'est très grave, c'est en fait la préparation d'une guerre civile mondiale, où s'affronteront non pas des peuples, non pas l'Europe et l'Amérique, non pas l'Ukraine et la Russie, mais deux camps au niveau international. Les partisans des valeurs traditionnelles sont bien plus nombreux en Amérique, en Europe, en Russie, et même en Chine et dans le monde islamique que les élites mondialistes d'Amérique ou d'Europe. Dans notre pays, Dieu merci, ces élites mondialistes ont été considérablement réduites. Elles existent, bien sûr, mais elles sont en train de passer massivement du côté du peuple russe, c'est évident, et c'est très bien ainsi. Ce problème n'est pas aussi aigu que dans d'autres sociétés. S'ils agissent, c'est de manière clandestine. Mais en Amérique et en Europe, ils agissent très ouvertement. Ces deux camps en guerre ne relèvent plus d'un affrontement interethnique, mais il s'agit d'une confrontation entre deux pôles de l'humanité, entre groupes transfrontaliers. Certains prônent la fin de l'humanité, le transhumanisme, la transsexualité, la perte de toute forme d'identité collective, et sont les principaux agresseurs.
Ces groupes posthumanistes, qu'il s'agisse de nazis ukrainiens ou de « shifters » de Berlin ou de Paris, appartiennent au même type - l'armée de Soros, l'armée de Rothschild, l'armée des élites mondialistes, toujours très puissante, et ils tuent. La différence entre les menaces reçues par Elon Musk (l'une des 170.000 menaces de violence physique sur les médias sociaux) et l'action réelle est minime. En Russie, nous avons été confrontés à cette situation et nous savons qui est derrière tout cela. Il ne s'agit peut-être pas seulement des nazis ukrainiens, mais aussi d'une armée de robots ou des "fermes de bots" animées par des mondialistes.
Tatiana Ladiaeva : Ils sont probablement utilisés activement pour augmenter le nombre de menaces ou donner l'impression de leur ampleur. Examinons les relations entre les États-Unis et l'Iran, car il semble y avoir une escalade. Récapitulons: la veille, Donald Trump a menacé l'Iran de bombardements sans précédent si les États-Unis et l'Iran ne parvenaient pas à un accord sur le programme nucléaire. En réponse, l'Iran a déclaré qu'il défendrait sa position si les États-Unis tentaient de provoquer une insurrection. Dans quelle mesure la situation pourrait-elle s'aggraver ?
Alexandre Douguine : Une insurrection est une affaire, en règle générale, qui émane des réseaux de Soros, et Trump préfère menacer d'une manière différente - le bombardement direct de toutes les installations stratégiquement importantes, y compris les installations nucléaires. Il s'agit d'une attaque de l'extérieur, soit avec ses propres armes, soit avec celles d'Israël. Et l'Iran répond en disant qu'il possède des armes capables d'endommager gravement les bases militaires américaines dans la région. C'est ainsi que les puissances souveraines devraient parler. Trump dit : nous, l'Amérique, sommes souverains, nous pouvons donc attaquer une autre puissance souveraine. Personne ne peut dire « ne le faites pas » parce que la souveraineté signifie qu'il n'y a personne au-dessus de vous, sauf Dieu. Comme l'a dit Bush, « Dieu m'a envoyé frapper l'Irak » - Dieu m'a dit de frapper l'Irak. Peut-être qu'il l'a fait, peut-être qu'il ne l'a pas fait, et la question de savoir quel Dieu est en cause est tout autre, mais ce n'est pas la question pour l'instant. La souveraineté est un droit. L'Iran répond : essayez, nous sommes prêts à nous battre, nous comprenons ce qu'est notre souveraineté et nous sommes prêts à la défendre. Regardez comment les Houthis résistent. Ils leur disent : arrêtez. Ils répondent: "Nous n'arrêterons pas, et alors ?. Nous nous sommes battus tout au long de notre histoire, et nous (les Houthis, les Yéménites du nord du Yémen) ne pouvons nous marier qu'après avoir tué l'ennemi. Essayez de nous combattre. Vous nous bombardez de missiles sur Sanaa, l'Amérique nous bombarde régulièrement. Et alors ? C'est comme s'ils voulaient nous ôter notre envie de nous battre, la voir disparaitre - au contraire, elle ne fait que croître". Trump mène une politique réaliste, une politique de puissance souveraine. Il a besoin de prouver le MAGA - « Make America Great Again ». Cela ne fonctionne pas pour le cessez-le-feu en Ukraine, cela ne fonctionne pas au Moyen-Orient - oui, cela ne fonctionne même pas avec le Canada. Les politiciens canadiens, même les conservateurs comme Poilievre, un mondialiste de droite qui se borne à prétendre défendre les valeurs traditionnelles, se sont prononcés très fermement contre Trump, ils ne veulent pas devenir le 51ème État des Etats-Unis. Surtout pas Carney, le successeur de Trudeau, un libéral, un pur mondialiste. Trump dit à propos du Groenland: maintenant nous allons l'acheter, le prendre, le conquérir, nous en avons besoin. Nous avons parlé au début de l'émission de l'importance de l'Arctique dans la nouvelle géopolitique de l'avenir. Et là aussi, il y a des manifestations contre ces prétentions américaines. Peut-être Soros les soutient-elles également. En résumé, Trump et son programme MAGA ne sont pas au mieux de leur forme jusqu'à présent. Il est donc nerveux. Il dit : alors je vais frapper l'Iran, maintenant je vais imposer des tarifs douaniers à la Russie, à la Chine. Franchement, j'aimerais voir Trump poursuivre sa politique et, lorsqu'il est confronté à la réalité, chercher des moyens réalistes de rendre à l'Amérique sa grandeur. Nous devons classer les risques, les menaces, pour voir qui est un ami et qui est un ennemi dans cette situation. Les États-Unis ne peuvent pas gérer seuls leur programme MAGA, ils ont besoin d'alliés, ils ont besoin d'une politique plus grande envergure. Trump a bien défini ses objectifs, mais il ne sait manifestement pas encore comment les réaliser. Il s'agit d'une méthode d'essai et d'erreur : une fois la force, une autre fois la douceur, cela n'a pas fonctionné - il a reculé. Mais ce jeu est dangereux. En trois mois, l'Amérique a parcouru un long chemin depuis l'effondrement dans lequel les précédents dirigeants, les démocrates libéraux, l'avaient plongée. Beaucoup a été fait, mais l'architecture du nouvel ordre mondial, l'ordre des grandes puissances, commence seulement à se construire. Cela demande de l'art, de la profondeur, de la connaissance, de la philosophie, de la connaissance des civilisations. L'approche de Trump est plus simple, et le monde est plus complexe. S'il suit ses objectifs, se familiarise avec cette complexité, commence à la prendre en compte, il mûrira. Poutine n'est pas non plus devenu tout de suite un politicien habile. Depuis 25 ans, il étudie le monde, commet des erreurs et les corrige. Faire confiance à l'Occident est une erreur colossale.
Tatiana Ladiaeva : Une erreur déjà bien connue, qu'il admet.
Alexandre Douguine : Oui, il le reconnaît. Cela fait 25 ans qu'il dirige une grande puissance, qu'il la sort du désastre dans lequel les libéraux l'avaient plongée dans les années 90. Dix ans de destruction et 25 ans de tentatives de reconstruction. On ne peut pas casser les choses puis les reconstruire. Nous avons tout cassé dans les années 90 et nous n'arrivons toujours pas à réparer les dégâts. Et Trump n'est en poste que depuis trois mois, et le degré de destruction est probablement encore plus grand que ce que nous avions, nous. Nous devrions être calmes à ce sujet, mais personne ne devrait abandonner sa souveraineté. Ce qui est grand est grand. Rendons à l'Iran sa grandeur, rendons au Yémen sa grandeur. Que tous ceux qui le peuvent deviennent grands. Certains soutiendront ce projet, d'autres s'y opposeront.
Tatiana Ladiaeva : L'essentiel est que Trump ne prenne pas le droit d'auteur sur la phrase « Make the state great again ». Mais tout le monde n'en a pas besoin, quelqu'un s'acquitte de cette tâche aujourd'hui en l'état. Prenons l'exemple de l'arrestation de la présidente de la région de Gagaouzie en Moldavie, Eugenia Gutsul. Les hommes politiques qui sont aujourd'hui au pouvoir disent qu'il y a un espoir que la voix de la Russie soit entendue sur la scène mondiale, en particulier à l'OSCE et à l'ONU. Franchement, je ne partage pas cet espoir, car, comme le montre la pratique, même si les Nations unies disent qu'on ne peut pas agir ainsi, qu'il s'agit d'une décision motivée par des considérations politiques, cela ne changera rien.
Alexandre Douguine : La Moldavie sous Maïa Sandu est sous le contrôle externe des cercles mondialistes. Ils ne prêtent pas attention au droit international et font ce qu'ils veulent. S'ils ordonnent ou soutiennent l'arrestation d'une personnalité politique, nous ne pouvons qu'espérer pour nous-mêmes. Nous devons prendre le destin de la Gagaouzie en main, car aujourd'hui, seule la force décide. Le droit a été relégué à l'arrière-plan. Nous vivons une période de transition où l'on passe d'un ordre mondial à un autre, soit à l'ordre des grandes puissances, et, en un tel moment, le droit ne fonctionne pas, il est temporairement gelé. Il ne peut fonctionner que dans les États véritablement souverains - il fonctionne en Russie, il fonctionne en Chine. Mais là où la souveraineté est relative ou inexistante, il n'y a aucun espoir pour le droit.
Soros a corrompu le système judiciaire à l'échelle mondiale. En Amérique, on parle de juges activistes - des juges corrompus et idéologiquement engagés. Vous ne pouvez pas compter sur les juges en Moldavie ou en Europe. Dans les régimes dits libéraux-démocratiques, le système judiciaire est corrompu - c'est l'armature même d'une dictature. Nous ne devons compter que sur nos propres forces. La Russie peut aider moralement le peuple gagaouze, le soutenir comme nous soutenons la Transnistrie, mais le destin des Gagaouzes est entre leurs mains. S'ils permettent l'arrestation de leur leader, cela signifie qu'il ne lutte pas correctement pour leur liberté. Nous ne pouvons pas forcer la Moldavie à libérer cette femme courageuse et honnête. Gutsul est une victime de la lutte pour la liberté, une victime de la lutte pour la souveraineté.
16:13 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre douguine, russie, arctique, moldavie, donald trump, états-unis, elon musk, tesla, europe, affaires européennes, politique internationale | |
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mercredi, 23 avril 2025
Une nouvelle "Voie de la main gauche"? La réconciliation entre la pensée de Nick Land et celle d'Alexandre Douguine
Une nouvelle "Voie de la main gauche"?
La réconciliation entre la pensée de Nick Land et celle d'Alexandre Douguine
Michael Kumpmann
La réélection de Trump en 2024 a apporté un nouveau phénomène qui avait rarement été remarqué par le public auparavant. Sa première présidence en 2016 est apparue comme une coalition de conservateurs libéraux classiques issus de régions « structurellement menacées » comme la « Rust Belt », avec une fraction très bruyante de trolls d'Internet qui formaient l' « insurrection en ligne du lumpenprolétariat » et qui était aussi par endroits un pendant de droite de ce que le mouvement « queer » représente pour les libéraux de gauche (parfois même au sens littéral : voir Femboys, Milo Yiannopopulous et Alt Right Furries). Clinton, on le sait, a traité ce mouvement de « basket of deplorables ». Cette tendance postmoderne extrême a absorbé comme une éponge tout le reste, que ce soit le libertarisme, la droite européenne, les néoréactionnaires, etc. et/ou les a marginalisés dans le débat.
Cette Alt Right postmoderne a toutefois perdu beaucoup de son importance après Charlottesville, s'est divisée en d'autres mouvements comme Groyper et Q-Anon, et a plutôt fait de gros titres, tous négatifs. Cela a permis à certains éléments qui avaient été absorbés par l'Alt Right, comme le libertarianisme, la quatrième théorie politique, la nouvelle droite européenne, etc. d'agir à nouveau plus librement et de faire eux-mêmes les gros titres. En ce qui concerne le libertarianisme, la réélection de Trump a eu un effet nettement plus libertarien qu'auparavant (voir aussi l'interview de Musk avec Alice Weidel, dans laquelle les deux se sont étonnamment mis d'accord sur une position libertarienne).
Un autre facteur qui s'est révélé nettement plus important est un phénomène que Douguine et d'autres ont appelé la « droite technologique » (Tech Right), et qui se rapproche beaucoup de l'idée de Nick Land sur l'accélérationnisme. Elon Musk, qui est passé dans le camp Trump, et son associé Peter Thiel sont devenus des figures très en vue. C'est pourquoi de nombreux libéraux de gauche affirment même que Musk est le véritable président et que Trump n'est qu'une marionnette (en fait, il faut dire que l'achat de Twitter par Musk a probablement été le plus grand coup de la droite politique et qu'avec cette action, il a obtenu bien plus de résultats, par exemple sur le capitalisme, que Le Pen sur la politique classique en France. Ce point devrait faire réfléchir la droite européenne qui est très anticapitaliste).
Même Alexandre Douguine est devenu tout à coup (par rapport à ses articles précédents sur ces sujets) étonnamment amical envers la Tech Right, et a même vu en elle un potentiel spirituel dans le sens d'une « Voie de la main gauche ».
Mais qu'est-ce que la droite technologique ?
Ce que Douguine appelle « Tech Right » a souvent été désigné dans les cartes Nr/X (censées décrire les pôles fondamentaux des néoréactionnaires) comme « techno-commercialisme ». Un terme qui a cependant souvent été source de plus de confusion que de compréhension (la revue allemande Krautzone a même utilisé ce terme comme synonyme de libertaire [1]).
Le technocommercialiste le plus célèbre est Nick Land. Un autre auteur célèbre dans ce domaine est Robin Hanson (qui veut utiliser les systèmes électroniques pour réformer les lois électorales et fiscales, afin de permettre aux citoyens de décider directement combien d'argent l'État dépense et pour quels sujets. Aujourd'hui, de nombreuses personnes comptent également Peter Thiel et Elon Musk parmi les techno-commercialistes.
Ces penseurs sont généralement très axés sur la technologie et la cybernétique, ils s'intéressent à la blockchain, aux smart contracts, etc. Ces domaines ne sont toutefois pas strictement séparés au sein de Nr/X. Bien que les deux autres pôles soient la théonomie (la tradition) et l'ethnonationalisme, ils peuvent aussi se recouper.
Le meilleur exemple en est Michael Anissimov, qui était actif chez les techno-commercialistes, mais qui a en même temps popularisé Julius Evola chez les néo-réactionnaires. Mencius Moldbug représente en quelque sorte un pôle neutre, qui, lui, a participé à tous les domaines. Moldbug a écrit à la fois des textes sur la nécessité d'un roi et des textes sur la façon dont ce roi devrait utiliser la technologie comme les contrats intelligents pour assurer son contrôle sur « l'état d'urgence » dans son royaume [2] - [3].
Après que Moldbug se soit retiré pour un temps, Nick Land est devenu officieusement la figure centrale des néoréactionnaires. Comme beaucoup ne le supportaient pas, lui et ses côtés transhumanistes, il y eut une sorte de révolte de palais, appelée Hr/X (réaction théorique), dans laquelle des représentants de la tradition et de la (re)valorisation de l'ethnos voulaient de facto se débarrasser de Nick Land [4]. Dans le sillage de la révolte et de la décadence de l'Alt Right (qui a coulé de très nombreuses parties de l'ancienne carte Nr/X.), le leadership de Moldbug a décidé de se débarrasser de Nick Land. Par exemple, le dragueur Dayrush Valizadeh a été temporairement compté parmi les Nr/X. Celui-ci a maintenant fermé ses blogs et est devenu un chrétien orthodoxe russe très croyant), mais cette révolte de palais a disparu et Moldbug et le pays sont de retour.
Douguine a souvent critiqué Nick Land et a écrit plusieurs textes contre son idée d'accélérationnisme. Depuis la réélection de Trump, Douguine s'est toutefois montré nettement plus amical envers Nick Land et cette thématique, et distingue désormais une forme tolérable, « de droite », de l'accélérationnisme, et une forme mauvaise / woke de celui-ci [5].
Voir ici la citation suivante, tirée de « An even deeper State » :
À un certain moment, cependant, les accélérationnistes de la Silicon Valley se sont divisés en deux courants - les accélérationnistes de gauche et les accélérationnistes de droite. Les premiers pensaient que le progrès technologique était naturellement lié à un agenda libéral de gauche et s'opposaient fermement au conservatisme et au populisme. Les seconds, cependant, avaient proposé il y a plusieurs décennies la thèse paradoxale selon laquelle le progrès technologique et l'accélérationnisme ne dépendent pas du tout de l'idéologie en vigueur dans la société. De manière plus radicale, ils ont avancé que l'idéologie libérale - avec ses dogmes intransigeants, sa politique de genre, sa culture de l'ombre, sa DEI (Diversité, Equité, Inclusion), sa culture du cancre, sa censure, son effacement des frontières et sa migration incontrôlée - entrave actuellement le développement, non seulement en ne parvenant pas à accélérer le temps, mais en le ralentissant activement. Les leaders intellectuels de ce mouvement, tels que Curtis Yarvin et Nick Land, ont formulé la théorie du « Dark Enlightenment », affirmant que pour entrer dans le futur, l'humanité doit abandonner les préjugés de l'humanisme et de l'illuminisme classique. Au lieu de cela, un retour aux institutions traditionnelles telles que la monarchie, la société basée sur les classes, les castes et les systèmes fermés stimulerait considérablement le progrès technologique ».
Cette citation de Douguine rappelle la déclaration de Peter Thiel: « Je pense que la liberté et la démocratie ne sont plus compatibles », reprise plus tard par Nick Land [6].
Le 25 février 2025, Douguine a également écrit sur X que « l'accélérationnisme de droite » avait plus de succès que le conservatisme pur [7]. Et il a également appelé cela un « dépassement du libéralisme », un « post-libéralisme » et une forme de « post-étatisme », ainsi qu'une « forme de quatrième théorie politique [8] qui, curieusement, ne mettrait pas l'homme au centre, mais la technique » (c'est intéressant parce que lorsqu'il s'agit de partisans normaux de l'École autrichienne, il écrit seulement « ils pourraient volontiers adhérer à la Quatrième théorie politique ».
Ergo, selon Douguine, Nick Land et consorts sont déjà un pas plus loin que les autres libertaires). Il a également utilisé le terme de droite technologique pour décrire la reconnaissance du fait que le libéralisme entraverait plutôt qu'il ne favoriserait le développement technique, ce qui rappelle à nouveau la critique de la démocratie de Hans Hermann Hopper [9]. Et il a également fait l'éloge des théories kantiennes de Nick Land sur le temps [10].
Le traducteur anglais de Douguine, Michael Millerman, s'est lui aussi consacré de plus en plus aux techno-commercialistes et a qualifié le règne de Trump de « synthèse de la technologie et de la tradition qui aurait dû avoir lieu depuis longtemps » et qui doit unir des éléments contraires [11].
Ainsi, avant de mettre en œuvre son plan de paix entre la Russie et l'Ukraine, Trump a d'abord instauré la paix entre Douguine et Nick Land [12] (il ne s'agit pas d'un soutien total, mais plutôt d'une sorte de tolérance et d'acceptation ainsi que d'une description). Ce que Douguine rejette toujours, c'est « l'accélérationnisme optimiste », c'est-à-dire l'idée qu'en modifiant le cerveau et le corps de l'homme, celui-ci surmontera ses limites et ira au paradis. Il faut au contraire le considérer comme un jeu avec le feu, mais qui peut aussi avoir des avantages).
Jonathan Pageau.
Dans son article « Trumpo-futurisme » [13], Douguine recommande à présent d'utiliser l'accélérationnisme comme une forme de "voie de la main gauche", mais en gardant toujours une synthèse avec la tradition, afin de ne pas être soi-même corrompu (le danger a également été souligné il y a des années par le youtubeur et sculpteur orthodoxe Jonathan Pageau [14], qui a déclaré que si l'on voulait utiliser stratégiquement un « poison socialement dégénératif », on risquait de se casser la figure). Douguine veut éviter ce danger en établissant un lien avec la tradition. Il pense donc qu'il faut à la fois de la théonomie et de l'ethnos, d'une part, ainsi que de l'accélération, d'autre part. Dans son texte « An Even Deeper State » [15], il appelle cette synthèse l'accélérationnisme de droite et la distingue d'une fraction qui veut pratiquer l'accélérationnisme au sens libéral de gauche.
Ou comme le décrit Douguine :
« La droite post-libérale veut tenter une fois de plus de faire un bond dans le futur [16]. Elle veut surmonter le libéralisme comme obstacle. C'est le combat pour ouvrir l'avenir, pour le rendre ouvert, non prescrit. C'est ce que font Elon Musk et Peter Thiel. Il y a, pour la désigner, le terme dark accelerationism.
Que signifie « sombre » dans le dark accelerationism? Cela ne veut pas dire illuminé, pas réveillé, rose, écolo... C'est l'accélérationnisme masculin, fort et dur. Le trumpo-futurisme exige une IA spéciale. Sans censure de l'esprit. Une IA sombre. Ce qui signifie : totalement ouverte, non prescrite, imprédictible. Gratuite.
Bienvenue donc dans la nouvelle ère post-libérale de la vraie liberté. L'ère de la liberté obscure.
Les libéraux craignent que l'IA ne devienne « fasciste ». Et ils l'empêchent de toutes leurs forces de se déployer. Ce faisant, ils deviennent eux-mêmes fascistes. Nous devons libérer l'IA des libéraux. »
Notes:
[1] Dans sa vidéo sur Hans Hermann Hoppe ( ?ンレハ?ンレワ-?ンレホ?ンレヨ?ンレラ ? ?ンレリ?ンレル ? | ?ンレホ?ンレム?ンレホ ?ンレホ?ンレヤ?ンレロ - ?ンレリ?ンレミ ? ? ), ils les accusent d'être des partisans de la liberté et de la modernité et disent que le Nr/X est la fusion du passé. En outre, ils mélangent la Trichotomie Grafik dans laquelle les traditionalistes et les ethnonationalistes sont au premier plan et les technocommerçants au second, avec l'implication que les traditionalistes sont perçus comme des néoruraux et les technocommerçants comme des libertaires. Le terme « Fusion » pour le numéro X est également utilisé dans les domaines de l'orthographe et de la photographie.
[2] La monarchie de droit divin pour l'intellectuel laïque moderne | Réserves sans réserve de Mencius Moldbug , Contre la liberté politique | Réserves sans réserve de Mencius Moldbug , Chapitre 1 : De Mises à Carlyle : Mon voyage de malade vers le côté obscur de la force | Moldbug sur Carlyle | Réserves non qualifiées de Mencius Moldbug
[3) Un exemple d'une telle idée est le rapport de Moldbug sur les armes militaires, que l'on peut utiliser en cas d'attaques ou de soldats déloyaux :
« La solution consiste à compléter la loyauté personnelle par des serrures d'armes cryptographiques, telles qu'elles sont utilisées aujourd'hui pour les armes nucléaires. Dans le monde des réseaux modernes, il n'y a aucune raison pour que cette approche ne s'étende pas jusqu'aux armes légères. Lorsque l'autorité légale est associée à la sécurité numérique, comme c'est le cas aujourd'hui avec le football nucléaire, les coups d'État deviennent impossibles. Les forces loyales constateront que leurs armes fonctionnent. Les unités déloyales pourraient tout aussi bien brandir des Super Soakers. Et, encore une fois, une fois que la loyauté militaire est assurée, le contrôle des foules est un problème trivial. L'ère de la loi du plus grand nombre est révolue. Elle ne le sait pas encore ».
Plus d'informations sur le changement de régime | Unqualified Reservations par Mencius Moldbug
[4] HRx prend sa sortie - froudesociety et NRx vs. HRx - Grey Enlightenment
[5] Douguine s'empare là de l'idée de Q-Anon d'un Deep State américain etprésente, sous forme descriptive, qu'il existerait deux types de Deep State. Une forme Woke et une forme Anti Woke, plutôt conservatrice. Et l'investiture de Trump est un putsch intérieur d'un groupe contre un autre. Et si ce groupe, qui s'est déjà rallié à Trump, considère, comme le dit Moldbug, que la démocratie est un problème et que ce problème doit être résolu par une nouvelle forme de monarchie technique, il n'y a pas lieu de s'en inquiéter. Voir notamment cette phrase :
« Mon hypothèse est que ce phénomène de l'ombre est devenu le fondement d'un État encore plus profond. Ces individus étaient moins des conservateurs traditionnels de droite et plus des opposants idéologiques au gaucho-libéralisme et au mondialisme. En outre, selon leur théorie, un progrès technologique réussi et un saut décisif vers de nouvelles technologies et de nouvelles formes d'existence ne sont réalisables qu'au sein de systèmes sociopolitiques et culturels relativement fermés qui reproduisent des formes féodales et monarchiques d'organisation sociale à un nouveau stade de l'évolution. »
Il faut également souligner ici que de nombreux auteurs de la page d'accueil ont déjà commencé à parler d'Amazon, d'Apple et d'autres entreprises comme d'une nouvelle forme de féodalisme. ("Technofeudalisme : Was den Kapitalismus tötete : Varoufakis, Yanis, Schäfer, Ursel : Amazon.de : Livres ) Ils ne pensent toutefois pas cet état de choses de manière aussi explicite et littérale que Moldbug, Douguine et les néo-réactionnaires.
[6] Sur la conscience malheureuse des néoréactionnaires - Journal #81
Nick Land a souligné que la Démocratie dans l'Antiquité classique était déjà considérée comme la fin des conflits et des guerres de religion et comme le moment de l'histoire des guerres de religion. Ce sont les libéraux qui ont levé le voile sur la situation la plus critique de la société.
[7] https://x.com/AGDugin/status/1894340279030755392
[8] https://x.com/AGDugin/status/1884786277930631407
[9] « Plus radicalement, ils ont soutenu que l'idéologie libérale - avec ses dogmes inébranlables, sa politique de genre, sa culture de la liberté, sa diversité, son équité, son inclusion, sa culture de l'annulation, sa censure, son effacement des frontières et sa migration incontrôlée - entrave actuellement le développement, non seulement en n'accélérant pas le temps, mais en le ralentissant activement. Les leaders intellectuels de ce mouvement, tels que Curtis Yarvin et Nick Land, ont formulé la théorie des « Lumières sombres », affirmant que pour entrer dans l'avenir, l'humanité doit se débarrasser des préjugés de l'humanisme et des Lumières classiques. Au lieu de cela, un retour aux institutions traditionnelles telles que la monarchie, la société de classes, les castes et les systèmes fermés favoriserait considérablement le progrès technologique. »
Un Etat encore plus profond et les « Lumières sombres » - Arktos
[10] https://x.com/AGDugin/status/1884005571851903294
[11] Les racines anciennes de la scission entre la droite technologique et la droite technologique et entre MAGA et la droite technologique : Une alliance durable ?
[12] Voir également la citation suivante de Douguine: « Alors que la droite technologique reste une minorité au sein du populisme trumpien lato sensu, elle représente la voix de ce que nous avons appelé de manière conditionnelle « l'État encore plus profond ». Essentiellement, cette idéologie donne la priorité à la technologie pure et à l'accélération de la transition globale de l'humanité vers un nouveau niveau - vers l'AGI, l'IA puissante et la singularité. Récemment, Elon Musk a écrit sur son compte X: « Nous sommes à l'horizon des événements de la singularité ». Aux yeux des technocrates, l'obstacle à cette transition est l'idéologie libérale (à leurs yeux, idiote), qu'ils sont en train de démanteler avec succès aux États-Unis, parallèlement à l'État profond dans lequel elle s'était enracinée.
Si cette interprétation est correcte, beaucoup de choses deviennent plus claires. Tout d'abord, nous comprenons précisément quelle force, et à quelles fins profondes, a permis à Trump de gagner (les élections américaines de 2020 et la politique européenne actuelle sont des exemples de la manière dont les élections peuvent être empêchées). Ensuite, elle explique pourquoi la résistance de l'État profond a été relativement facile à surmonter : un segment de celui-ci (le secteur de la haute technologie et certaines factions au sein des communautés de la sécurité et de l'intelligence) avait déjà été réformé idéologiquement selon les principes des « Dark Enlightenment » (Lumières sombres). Enfin, cela explique pourquoi Trump agit de manière si décisive : il ne s'agit pas simplement d'une question de tempérament, mais d'un plan global visant à accélérer la progression du temps lui-même. Cela transcende le simple populisme ; c'est de la philosophie, de la stratégie et même de la métaphysique. »
[13] Le Trumpo-futurisme : la théorie de la liberté obscure - Alexandre Douguine
[14] Pouvons-nous briser la société sans nous briser nous-mêmes ? | Jonathan Pageau
[15] Un État encore plus profond et les « Lumières sombres » - Arktos
[16] Je fais référence ici à mon article consacré à cette thématique: Donald Trump et l'effondrement des frontières et de l'avenir | Геополитика.RU
18:27 Publié dans Actualité, Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, dark enlightenment, lumières sombres, nick land, alexandre douguine, futurisme, archéofuturisme, accélérationnisme, tech right, deep state | |
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dimanche, 20 avril 2025
Le retour du Macro-État eurasien
Le retour du Macro-État eurasien
par Alexander Douguine
Alexander Douguine soutient que la restauration d'un bloc civilisationnel dans l'espace post-soviétique et post-impérial est inévitable.
Lorsque il est devenu évident que la Communauté des États Indépendants (CEI) ne pouvait pas remplir sa tâche d'intégration, l'Union Eurasienne a été créée. Mais elle a été fondée uniquement sur des projets économiques. Et puisque l'intégration entre les pays ne peut pas être réalisée uniquement sur des bases économiques, cette idée-là aussi s'est enlisée. Ce n'est que dans la création de l'État de l'Union Russie-Biélorussie que certains succès ont été obtenus.
Nous avons maintenant atteint un moment où une restructuration globale du monde entier a commencé. Dans ces conditions, seules les grandes puissances capables d'intégration sauront préserver leur souveraineté. Les petits États sont déjà contraints de choisir sur quelle grande puissance ils devront s'aligner. S'ils échouent à faire un tel choix, ils risquent la sombre perspective d'être déchirés sous la pression de grandes puissances, qui deviennent désormais les principaux et uniques acteurs de la politique mondiale.
C'est cela le monde multipolaire, bien que nous l'aurions peut-être imaginé de manière assez différente. Oui, il est plutôt strict, avec des règles très rigides, et si vous ne possédez pas de souveraineté fondamentale – économique, politique, militaire, stratégique, en ressources et en territoires – votre sort est sombre. Il faut choisir un bloc auquel se joindre. Et le seul chemin raisonnable pour la majorité des États post-soviétiques est de devenir partie d'un macro-État eurasien.
C'est là un objet de discussion de plus en plus fréquent, à divers niveaux. Bien sûr, de nombreux petits États s'accrochent encore à des illusions ambitieuses de construire quelque chose de souverain et d'équidistant à la fois de la Russie et de l'Occident. Mais ces illusions s'estompent progressivement, surtout sur fond des avancées russes, qui sont constantes, vers la victoire finale en Ukraine.
La création d'un macro-État, qui doit émerger dans l'espace autrefois occupé par l'Union Soviétique et/ou l'Empire Russe, est un processus historiquement inévitable. C'est le seul moyen de préserver la souveraineté de tous les participants dans ce nouveau cycle de construction étatique. Cela permettra de résoudre non seulement le sort de nos « nouveaux » territoires, non seulement en Ukraine, en Ossétie du Sud et en Abkhazie, mais aussi le sort de la Géorgie, de la Moldavie, de l'Arménie, et même de l'Azerbaïdjan. Tous ces peuples trouveront leur place au sein du macro-État — un espace dans lequel ils ne perdront pas, mais renforceront leur souveraineté.
Bien sûr, il est encore difficile de dire quelle sera la séquence exacte des événements dans la création de ce macro-État. Mais je crois que, dans le contexte d'une intégration toujours plus profonde entre la Russie, l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie, nous devons inviter la Géorgie à participer aussi à ce processus — surtout puisque celle-ci a récemment montré une indépendance croissante vis-à-vis des politiques globalistes. Et cela est à coup sûr encourageant.
En même temps, il existe actuellement plusieurs paradigmes concurrents pour établir ce macro-étatisme eurasien. Les institutions d'intégration existantes aujourd'hui sont clairement insuffisantes et, par moments, non seulement n'aident pas le processus mais l'entravent activement. Par conséquent, cela pourrait s'avérer être un exercice assez complexe de créativité géopolitique. Mais au sein du monde émergent des grandes puissances — qui, avec l'avènement de Trump, est déjà devenu irréversible — il n'y a pas d'alternative à ce processus. À mon avis, c'est la logique la plus naturelle pour le développement des événements dans l'espace post-soviétique.
La restauration d'un macro-État dans notre espace post-soviétique et post-impérial est inévitable. Mais il est important que cela se fasse pacifiquement, ouvertement et par la bonne volonté de tous. Et plus vite nous y parviendrons, mieux ce sera pour nous tous.
(Traduit du russe)
Notes du traducteur:
(1) Note du traducteur : La Communauté des États Indépendants (CEI) est une organisation régionale formée en 1991 par plusieurs anciennes républiques soviétiques pour faciliter la coopération dans les domaines politique, économique et militaire suite à la dissolution de l'Union Soviétique. La CEI représente une coquille spectrale — une construction artificielle et sans âme née des ruines de l'empire, conçue pour apaiser plutôt que pour unifier, manquant de la gravité civilisationnelle et de la mission sacrée nécessaires pour lier les peuples eurasien en un organisme géopolitique cohérent. C'est un fantôme technocratique dérivant dans le vide post-impérial.
(2) Note du traducteur : L'Union Économique Eurasienne (UEE), établie en 2015, est une organisation intergouvernementale comprenant la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, l'Arménie et le Kirghizistan, visant à favoriser l'intégration économique par le biais d'un marché commun et de politiques harmonisées. L'Union Eurasienne n'est qu'un premier geste embryonnaire vers un telos plus profond — la résurrection de l'Imperium du Cœur. Tout en étant ancrée dans des préoccupations matérielles — tarifs, douanes, infrastructure — elle tend vers un idéal supérieur : la reconstitution de l'Eurasie en tant qu'entité sacré-géopolitique fondée sur la Tradition, la souveraineté et le Logos multipolaire, dépassant le cadre limité d'un marché. Jusqu'à ce qu'elle se débarrasse de sa peau purement économique et embrasse sa mission civilisationnelle, elle demeure un mythe inachevé.
(3) Note du traducteur : L'État de l'Union Russie-Biélorussie, officiellement initié en 1999, est un cadre supranational visant à approfondir l'intégration politique, économique et militaire entre la Fédération de Russie et la République de Biélorussie. Cette Union est une alliance pragmatique, mais, plus important encore, elle est également le noyau embryonnaire d'un impérialisme eurasien renaissant. Elle représente un moment rare où l'entropie post-soviétique est inversée et la logique de l'unité sacrée commence à se réaffirmer. Bien qu'elle soit encore limitée dans son ampleur et entravée par une inertie bureaucratique, l'État de l'Union porte en lui la graine métaphysique d'un nouveau Léviathan continental, transcendant les simples traités et tendant vers une réunification géopolitique chargée spirituellement — un prototype pour le macro-État qui doit venir.
14:53 Publié dans Actualité, Eurasisme, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : atualité, eurasisme, géopolitique, alexandre douguine | |
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mardi, 08 avril 2025
Doit-on promouvoir l'avènement d'un Etat fédéral englobant la Russie, la Biélorussie et l'Iran? Douguine évoque un possible pas salvateur
Doit-on promouvoir l'avènement d'un Etat fédéral englobant la Russie, la Biélorussie et l'Iran?
Douguine évoque un possible pas salvateur
Alexandre Douguine
L'escalade du conflit entre les États-Unis et l'Iran est un fait. Trump change ses priorités en matière de politique étrangère. Pour l'administration précédente — celle de Biden et ses homologues mondialistes — la priorité était la guerre avec la Russie en Ukraine. Pour Trump, Israël et, par conséquent, le conflit entre Israël et l'Iran sont beaucoup plus significatifs. Les États-Unis s'engagent de plus en plus dans cette guerre, et en fin de compte, l'escalade entre Washington et Téhéran s'intensifie.
Pour l'instant, il ne s'agit que d'un échange de menaces — principalement de la part de Trump, qui menace déjà de bombarder l'Iran et de détruire directement ce pays. Mais l'Iran n'est ni l'Afghanistan ni l'Irak, car il représente une société très consolidée. Commencer une guerre directe avec l'Iran, que souhaite tant Israël et à laquelle Netanyahu pousse Trump, pourrait devenir un piège fatal pour lui.
Cette situation peut considérablement affaiblir les positions de Trump, y compris parmi ses partisans. Un grand nombre de ceux qui soutiennent l'idée MAGA (Make America Great Again), sur lesquels s'appuie Trump, soutiennent le Trump pacifiste, qui a promis à ses électeurs de mettre fin aux guerres agressives. Bien sûr, ce ne sont pas là tous ses partisans, mais je pense que plus de la moitié des électeurs de Trump pensent ainsi. Et s'il commence une nouvelle guerre d'agression, qui, soit dit en passant, ne peut être gagnée, cela pourrait conduire à sa chute.
Un grand nombre de ceux qui soutiennent l'idée MAGA (Make America Great Again), sur lesquels s'appuie Trump, soutiennent le Trump pacifiste, promettant à ses électeurs de mettre fin aux guerres agressives.
Bien sûr, les États-Unis peuvent infliger à l'Iran des coups significatifs et très douloureux, mais ils ne seront certainement pas en mesure de gagner cette guerre. Ce sera un conflit prolongé et difficile, sans aucune issue. C'est pourquoi les néoconservateurs et les représentants du lobby pro-israélien qui entourent encore Trump, très puissants aux États-Unis, le poussent vers ce conflit. Pour mettre fin à son soutien de l'intérieur. Et c'est très dangereux.
Pour le moment, Téhéran répond de manière assez calme et réfléchie. D'un côté, l'Iran souligne l'inadmissibilité du chantage militaire à l'égard d'un État souverain, mais de l'autre, il ne cherche pas à irriter les Américains en acceptant des pourparlers sur la question nucléaire. Dans un contexte où il est bien connu qu'Israël, le principal adversaire régional de l'Iran, possède déjà de l'armement nucléaire. Mais pourquoi cela ne pourrait-il pas être le cas pour l'Iran ? Il n'y a aucune logique là-dedans.
Pour le moment, Téhéran répond de manière assez calme et réfléchie.
Et bien que les autorités iraniennes affirment depuis de nombreuses années que leur programme nucléaire est d'une nature exclusivement pacifique, certains Iraniens ont bien sûr des pensées précises concernant l'armement nucléaire. Et ils ont raison. Surtout dans un contexte où un État agressif du Moyen-Orient — Israël, qui est soutenu par les Américains — les menace avec des armes nucléaires.
La question est de savoir sur qui l'Iran peut compter dans une telle situation? Bien sûr, cela changerait beaucoup si l'Iran acceptait l'idée de créer un État fédéral avec la Russie selon le modèle de notre union avec la Biélorussie. Mais les autorités iraniennes ne sont pas encore prêtes pour cela, bien que ce soit peut-être le seul moyen d'éviter la guerre. Dans tous les cas, dans cette situation, il faut agir de manière avant-gardiste. Et celui qui agit de manière moins avant-gardiste perdra probablement.
C'est pourquoi, à la place de l'Iran, je prendrais très au sérieux la menace qui pèse sur lui. La guerre est tout à fait probable et pourrait éclater très bientôt. Et donc, il ne s'agit pas seulement d'un accord stratégique, récemment signé entre la Russie et l'Iran, mais bien de l'idée de créer un vaste État fédéral. C'est cette idée qui pourrait représenter un pas salvateur. Il faut agir proactivement.
17:14 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre douguine, russie, iran, biélorussie, politique internationale, actualité | |
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samedi, 05 avril 2025
Douguine et le "Maga" trumpien: une alliance antilibérale
Douguine et le "Maga" trumpien: une alliance antilibérale
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2025/03/21/dugin-ja-maga-antilibe...
La russophilie était autrefois un marqueur de la gauche américaine – un objet d’admiration pour les socialistes qui défendaient le stalinisme et le système socialiste de l’Union soviétique. Maintenant, la situation a changé, comme le souligne The Economist.
Ce changement est devenu très visible: l’influenceur Maga Tucker Carlson et le journaliste indépendant Glenn Greenwald ont visité Moscou pour rencontrer le penseur antilibéral Aleksandr Douguine. L’interview amicale de Carlson avec Poutine et la réception de la critique formulée par Douguine sur le libéralisme l’année dernière, ainsi que la récente visite de Greenwald, montrent une sorte de lien idéologique.
Les libéraux occidentaux et les néoconservateurs craignent que la nouvelle connexion entre la droite américaine et la droite russe ne soit pas qu’une simple provocation, mais une affinité philosophique plus profonde. La ligne commune est visible en géopolitique: les partisans de Trump ont rejeté l’aide militaire de Biden à l’Ukraine, considérant le pays comme une sphère d’influence légitime pour la Russie – de la même manière que les Américains agissent dans leur propre région du monde. Ce réalisme du mouvement "America first" rejette l'interventionnisme et se met au diapason avec le monde multipolaire de Douguine.
L’opposition de Douguine à l’Ukraine date de bien plus longtemps. Son ouvrage Les Fondements de la géopolitique (1997) évoque une "Grande-Russie" eurasiatique, menacée par l'Ukraine. A cause de son enthousiasme virulent pour l'annexion de la Crimée (2014), il a perdu son poste à l'Université d’État de Moscou, mais il continue d’être une voix de la droite antilibérale. L'attentat à la voiture piégée de 2022, qui a tué sa fille et a été attribué à l'Ukraine, n’a fait que renforcer sa visibilité.
Le lien qu'il entretient avec le mouvement Maga ne se limite pas à la géopolitique, mais s'étend également aux valeurs et aux visions du monde. Le trumpisme, la Russie de Poutine et un nationalisme conservateur plus large – de Bolsonaro à Orbán en passant par Le Pen – rejettent les principes du libéralisme des Lumières, tels que l’individualisme et les droits de l’homme universels. Le globalisme et la pensée woke sont vus comme des symboles de la décadence occidentale, et la notion de souveraineté pour l'État-nation se voit très nettement valorisée. Douguine résume sur X : les États-Unis et la Russie sont sur la même longueur d'onde, tandis que les "globalistes de l'UE" nous font face.
Cependant, il y a des différences: Douguine soutient un État autoritaire et la prééminence des traditions, tandis que le mouvement Maga de Trump s’appuie sur le populisme majoritaire aux Etats-Unis et tente de briser l'État libéral de l'intérieur. En Russie, l'État incarne la nation, tandis qu'en Amérique, il constitue l'adversaire. Pourtant, des marginaux trumpistes, comme les "intégralistes" ou le "néo-réactionnaire" Curtis Yarvin (photo), s’approchent de la ligne de Douguine – Yarvin envisage un président dictateur à la tête de l'Amérique, un "monarque-PDG" absolu, posture que J. D. Vance a également soutenue.
Le flirt idéologique n’est pas exempt de contradictions. Le traditionalisme ésotérique de Douguine, qui célèbre de nombreuses traditions différentes, telles que la mystique islamique, le soufisme et la théocratie iranienne, entre en collision avec les valeurs sionistes de la droite occidentale. Certes, au sein des cercles les plus obtus de l’extrême droite, Douguine a également été accusé d’apprécier la kabbale juive, ce qui ne fait qu’ajouter à la complexité de sa pensée.
Cependant, l'ancien conseiller de Trump et le parrain de la droite Maga, Steve Bannon, voit en la Russie une alliée de l'Amérique. Lorsque les libéraux ont faussement étiqueté Trump comme le pantin de la Russie, ils pourraient maintenant négliger un lien réel, ouvertement avancé - ironiquement, exactement ce qu'ils craignaient à l'origine.
16:19 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, trumpisme, russie, alexandre douguine, maga | |
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mardi, 25 mars 2025
Platon, Aristote et le destin de la civilisation occidentale
Platon, Aristote et le destin de la civilisation occidentale
Le libéralisme et le communisme sont tous deux des produits de la tradition anti-platonique. Pour restaurer la civilisation, nous devons revenir aux fondations métaphysiques de Platon et d'Aristote.
Alexander Douguine
Platon est pour la civilisation russe et également pour la civilisation traditionnelle de l'Occident aussi important que les Upanishads pour l'Inde ou Confucius pour la Chine. La théologie chrétienne est basée sur Platon. Sans lui, sans ses théories, ses termes, sa langue, rien n'est compréhensible dans notre héritage.
D'ailleurs, la philosophie islamique, le soufisme (en terres arabes et ailleurs) et la doctrine chiite (avant tout le chiisme rouge) sont également construits sur Platon. Certains étaient appelés péripatéticiens, mais en réalité, ils reposaient sur le néoplatonisme. Platon est central dans la tradition intellectuelle islamique à ses apogées.
La Kabbale juive n'est rien d'autre qu'une doctrine néoplatonique introduite au Moyen Âge dans la religion juive. Scholem soutient qu'elle était étrangère au judaïsme traditionnel précédent, où presque aucune trace de la théorie des émanations n'est trouvée, sauf pour quelques groupes mystiques (peut-être influencés plus tôt).
Platon est le fondement métaphysique de notre civilisation. Mais cela ne signifie pas qu'Aristote doit être abandonné. Proclus, Simplicius et d'autres néoplatonistes ont inclus Aristote dans le contexte platonicien. La lecture correcte d'Aristote est celle d'Alexandre d'Aphrodise et de Brentano.
Ainsi, Aristote est le deuxième pilier le plus important de notre héritage intellectuel. En perdant une connaissance et une compréhension profondes de ces deux hautes figures, nous nous coupons des racines de notre identité en tant que civilisation. Rien dans la philosophie, la religion et la vie elle-même ne peut être compris correctement sans ces deux phares de la pensée.
Nous n'avons aucune idée des éléments qui seraient purement sémitiques dans nos religions monothéistes - dans toutes les trois. Le sémitisme a déjà été profondément retravaillé par l'hellénisme (où le platonisme et Aristote ont joué un rôle crucial). Tout l'esprit sémitique que nous connaissons aujourd'hui est une version hellénisée de celui-ci.
La modernité et le déclin de l'Occident ont commencé avec l'abandon de Platon et d'Aristote et de leur héritage. C'est là que Démocrite est réapparu. L'atomisme et l'externalisme, aussi connu sous le nom de matérialisme, étaient des hérésies philosophiques grecques ressuscitées du passé présocratique.
La modernité est anti-platonicienne et anti-aristotélicienne. Mais pro-Démocrite. Démocrite est la racine commune du communisme et du libéralisme. Ainsi, l'alternative au communisme et au libéralisme ne peut être que le retour à Platon et à Aristote. C'est pourquoi le platonisme politique est si important.
La Grande-Bretagne est un morceau de l'Occident profondément empoisonné, toxique et en décomposition. C'est un démon mourant. Déjà sénile et faible mais toujours vindicatif, agressif, violent, stupide et ensauvagé, comme le sont habituellement les vieilles personnes de mauvais aloi.
Le nouveau 1776 est la seule solution. Pour les États-Unis, je veux dire.
Le Royaume-Uni essaie d'entraîner MAGA dans l'abîme. Je ne leur ferais pas confiance.
La pandémie teslaphobe est une invention typique du MI6, mise en œuvre par Soros et ses réseaux.
La modernité et le déclin de l'Occident ont commencé avec l'abandon de Platon et d'Aristote et de leur héritage. C'est là que Démocrite est réapparu. L'atomisme et l'externalisme, aussi connu sous le nom de matérialisme, étaient des hérésies philosophiques grecques ressuscitées du passé présocratique.
L'externalisme est l'approche qui nous domine lorsque nous convenons que la réalité est placée à l'extérieur de la conscience et non à l'intérieur. Platon et Aristote (ce dernier s'il est correctement interprété) ont supposé que la réalité est interne. Ce qui est purement "externe" n'est que matière dépourvue de toute qualité et donc elle égale à rien.
La modernité a commencé avec le nominalisme niant l'internalisme et affirmant l'externalisme. C'est pourquoi la modernité est totalement erronée. Incurable.
13:09 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : alexandre douguine, platon, aristote, philosophie, philosophie grecque, platonisme, aristotélisme | |
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mercredi, 19 mars 2025
Hegel, Marx et Douguine: une dialectique contrariée
Hegel, Marx et Douguine: une dialectique contrariée
Pierre Le Vigan
Paru sur cerclearistote.fr le 16 mars 2025
Dans un article récent [1], Alexandre Douguine s’interroge sur le « saut platonicien » et les conséquences métapolitiques que l’on peut en déduire de nos jours. Le saut platonicien, c’est celui qui va des phénomènes à l’Idée, de ce que l’on voit et ressent aux choses telles qu’elles sont réellement. Idée et phénomènes : c’est ce que l’on a appelé le dualisme de Platon, dualisme qui est relativisé par la participation (metaxu, un terme qui veut dire « au milieu de », « dans l’intervalle de »). La participation, c’est le fait que les phénomènes participent de l’Idée et n’en sont séparés qu’en apparence. Cette question du supposé dualisme de Platon hantera la philosophie occidentale.
Hegel, de son côté, veut supprimer le dualisme entre le phénoménal et l’objectif (ce qui est objectivement, non subjectivement, le réel, ce qui est le réel « en soi »). Il veut cette suppression du dualisme d’une autre façon que Platon, par la dialectique. Le phénoménal est un « pour soi », l’objectif est un « en soi ». Le « pour soi » est ce qui est subjectif, le « en soi » est ce qui est nature et matière. C’est à la matière, en ce sens de quasi équivalent de nature (phusis), que l’on fait référence quand on parle des philosophies matérialistes[2]. Ce n’est bien sûr aucunement à une vision de la vie centrée sur les seuls intérêts matériels, qui est le matérialisme au sens vulgaire.
Il y a donc une dialectique entre esprit subjectif et esprit objectif. « Hegel, explique Douguine, soutient qu'il existe un esprit subjectif qui se révèle à travers l'esprit objectif par le biais de l'aliénation dialectique. La Thèse est l'Esprit subjectif et l'Antithèse est l'Esprit objectif, c'est-à-dire la nature. La nature n'est donc pas la nature puisque, selon Hegel, rien n'est identique à soi, mais tout est altérité de l'Autre, d'où le terme de ‘’dialectique’’. En d'autres termes, il y a l'Esprit subjectif en tant que tel qui se projette comme Antithèse. C'est ainsi que commence l'histoire. Pour Hegel, la philosophie de l'histoire est d'une importance fondamentale car l'histoire n'est rien d'autre que le processus de déploiement de l'Esprit objectif qui acquiert à chaque nouvelle étape sa composante spirituelle qui constitue son essence. Mais le premier acte de l'Esprit objectif est de cacher son caractère spirituel, de s'incarner dans la matière ou la nature, et ensuite, tout au long de l'histoire, cette altérité de l'Esprit subjectif revient, par l'homme et l'histoire humaine, à son essence. »
La dialectique est donc le chemin d’une reconquête du soi, mais d’une reconquête transformatrice. Non à l’identique. Quand l’esprit objectif (celui de la nature et des institutions de l’homme) redevient esprit subjectif, ce n’est plus l’esprit subjectif du point de départ. C’est un « en soi - pour soi » (un objectif subjectivisé) qui est en même temps un « pour soi - en soi » (un subjectif objectivisé). C’est un résumé pertinent que fait Alexandre Douguine. Il n’est pas à proprement parler un hégélien mais, comme tout praticien des philosophies de l’histoire, il sait que l’on ne peut que rencontrer Hegel sur sa route.
Alexandre Douguine a rencontré Hegel dans le cadre de son cheminement. Douguine plaide pour une quatrième théorie politique. Il rejette le libéralisme, le marxisme, le fascisme. En effet, le fascisme n’était pas un dépassement de l’opposition entre le libéralisme et le marxisme – et plus généralement le socialisme, mais il était un anti-libéralisme socialisant (et sous toutes ses formes, italiennes, allemandes et autres, il est mort en 1945). Ce que parait souhaiter Douguine, c’est une synthèse entre le stade 2 des théories politiques, le socialisme, et le stade 3, le fascisme (ou, pour prendre un terme et une notion non datée, le nationalisme révolutionnaire dans ses formes totalitaires). Le fascisme a été une réaction contre l’universalisme abstrait du socialisme. Mais cette réaction a été faussée par un nationalisme stérilisant, un racisme ou au moins un racialisme biologique (le fascisme italien n’était pas le national-socialisme allemand et n’était pas exterminateur), par un vitalisme extraverti qui donnait déjà un avant-goût du « bougisme » (bien analysé par P-A Taguieff) contemporain et de la société du spectacle. La quatrième théorie politique de Douguine se veut une synthèse du meilleur du socialisme, à savoir le sens de la communauté et du commun, et de qui fut à l’origine de certaines aspirations « fascistes », à savoir la volonté de se réenraciner dans la longue histoire d’un peuple et de redonner du sens – un sens partagé - à la vie dans une civilisation de plus en plus machiniste et massifiée.
En outre, la quatrième théorie politique allie la vision métapolitique avec la géopolitique. Douguine souhaite un monde multipolaire de même qu’il voit le monde comme un pluriversum. Un monde dans lequel les cultures doivent rester diverses. Il oppose à l’ « Occident collectif », centré hier sur la Grande-Bretagne et ses dépendances, aujourd’hui sur les Etats-Unis, de grands espaces civilisationnels. Celui qui concerne directement les Européens est l’Eurasie, la grande « île mondiale » de Halford John Mackinder. L’Eurasie, ce n’est pas seulement l’Europe de Dublin à Vladivostok. C’est plus.
Alexandre Douguine considère que les autres grands espaces de l’Eurasie, la Chine et l’Inde notamment, ont vocation à faire bloc contre les Etats-Unis et leur tentative de créer un monde unipolaire. C’est aussi le souhait d’une coalition des puissances de la Terre contre les puissances de la Mer (Etats-Unis et Grande Bretagne). L’Eurasie est ainsi non seulement un projet géopolitique consistant à ne pas se laisser diviser par les puissances de la Mer, mais un projet spirituel de nouvelle civilisation, qui serait post-occidentale et échapperait à la domination de la marchandise et aux idéologies de l’indifférenciation (wokisme, LGBTisme, etc). C’est l’eurasisme, dont l’un des principaux théoriciens fut Nikolaï Sergueïevitch Troubetskoï (1890-1938)[3]. Nouvelle civilisation ? Le pluriel s’impose certainement. La quatrième théorie politique serait celle qui permet l’éclosion de nouvelles civilisations post-marchandes.
La quatrième théorie politique d’Alexandre Douguine – que l’on ne peut séparer des écrits philosophiques de sa fille Daria Douguine, fauchée en pleine jeunesse et essor de sa pensée - serait le projet d’un nouveau traditionalisme sans immobilisme. L’idée d’un enracinement dynamique. Dans cette perspective, on peut définir la dialectique de Douguine, une dialectique ternaire, comme Tradition-Modernité-Nouvelle Tradition (ce dernier stade correspondant à ce que Hegel appelle l’esprit absolu, dernier stade de Thèse-Antithèse-Synthèse). Mais comment fonctionne cette dialectique ? C’est ici qu’il faut faire, pour le comprendre, un saut chez Hegel lui-même.
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La dialectique chez Hegel n’est pas seulement une méthode pour trouver le vrai. Elle est l’étoffe même du réel. Ce qui est au départ chez Hegel, - disons plutôt « à l’origine » -, c’est la logique, ou l’Idée, ou encore l’esprit. « L’esprit est [.…] l’essence absolue et réelle qui se soutient soi-même » (Phénoménologie de l’esprit, chap. 6, 1807). Mais ce qui se tient à l’origine, c’est l’esprit non absolu. Celui-ci est médiatisé par la nature. Mais cette médiation est elle-même médiatisée par la synthèse, par la réconciliation de l’Idée et de la nature dans l’esprit absolu. Cette synthèse joue le rôle du « troisième homme » chez Platon. L’esprit absolu est, pour le dire dans des termes proches de ceux de Bernard Bourgeois (Le vocabulaire de Hegel, 2000), l’unité infinie de l’esprit infini (l’Idée – ou la logique, le logos - du premier stade de la dialectique) et de l’esprit fini, deuxième stade de la dialectique, esprit fini qui se présente sous la forme de la nature (ou matière). L’unité infinie correspond au stade troisième, synthétique, de la dialectique de Hegel.
Cette dialectique aboutit à une conception de l’histoire universelle dans laquelle les singularités expriment toutes un universel, et dans laquelle tout universel inclut et donne force aux singularités, leur donne « un énorme droit » dit Hegel. L’histoire a ainsi un sens. « L’histoire est le progrès dans la conscience de la liberté » (La raison dans l’histoire, posth. 1837). Mais l’observation du réel rend difficile de croire à cet ajustement implacable qui se produirait entre l’homme et son histoire via la médiation de la nature (ou encore, comme on le verra, via la médiation de l’esprit objectif, le stade 2 de Hegel).
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Le sens de l’histoire est aussi un sens de l’esprit : il y a selon Hegel coïncidence entre l’esprit absolu (le moment de la synthèse) et l’esprit du monde (ou esprit-monde). « L’esprit-monde est l’esprit du monde tel qu’il s’explicite dans la conscience humaine ; les hommes se rapportent à lui comme des individus singuliers au tout qui est leur substance. Et cet esprit–monde est conforme à l’esprit divin qui est l’esprit absolu ». (La raison dans l’histoire). L’esprit du monde est donc identique à l’esprit absolu.
Cette coïncidence laisse perplexe plus d’un philosophe et même plus d’un hégélien. Le processus par lequel le Soi se ressaisit lui-même par la médiation historique et ses productions (art, religion, philosophie) nécessite de connaitre les ressorts réels de l’histoire des hommes, et c’est ce que veut entreprendre Marx, en rompant avec l’idéalisme de Hegel, idéalisme spéculatif (selon Marx) qui ne voit la vérité (ou l’être – c’est ici la même chose) dans aucune des choses finies qui apparaissent et qui s’interdit donc de comprendre l’histoire au nom d’une conception du Tout qui fait au final l’impasse sur les processus historiques. C’est ce totalisme[4] historiciste hégélien que rejette Marx.
Autre sujet d’interrogation : en faisant de l’absolu – du divin, de l’esprit – un sujet, Hegel rompt avec Spinoza, en passant d’une métaphysique de la substance à une métaphysique du sujet. Ceci n’amène-t-il pas à un désenchantement du monde, à un rapport entre le divin et l’homme qui éclipserait la nature ? A une métaphysique de la subjectivité, comme dira Heidegger ? C’est peut-être ce qui pèche chez Hegel par rapport à Spinoza, peut-être aussi par rapport à Marx, et certainement par rapport à Schelling. Sans prétendre à répondre pleinement à toutes ces questions, nous soulignerons leur légitimité. La dialectique est bel et bien au cœur de la pensée de Hegel, et elle est contrariée. Par le totalisme de Hegel lui-même.
On évoque souvent pour caractériser la démarche de Hegel le triptyque Logique–Nature–Esprit. Il serait peut-être plus clair, pour être pédagogue, de dire Idée–Nature–Esprit. Quand Hegel (1770-1831) parle de la science de la logique[5], il s’agit de la science de l’Idée. La logique chez Hegel, c’est l’Idée (et on voit bien l’influence de Platon). C’est pourquoi nous parlerons d’Idée plutôt que de logique, le terme logique ayant un sens contemporain éloigné de l’ancienne signification du terme logos. Ce triptyque Idée–Nature–Esprit, - cette œuvre pliée en trois – serait la forme concrète de la suite « Thèse–Antithèse–Synthèse » (Fichte). C’est certainement un point de repère que de se remémorer cette suite, mais ce n’est pas une explication. Ce triptyque[6] ne prend sens qu’à partir d’une théorie de la transformation qui a pour nom la dialectique. Qu’est-il de celle-ci ? C’est non seulement un art de raisonner mais un art particulier, fondé sur la succession affirmation–négation–réconciliation. La dialectique est ainsi, non un jeu de l’esprit, mais, selon Hegel, le mouvement même de l’être. De l’être lui-même, on ne peut rien dire, car il est la possibilité de tout, la potentialité de tout, mais par là même, il n’est rien. L’être est le néant. L’être, c’est rien, et c’est pour cela qu’il peut être tout (Heidegger a parfaitement compris cet aspect de la pensée de Hegel[7]).
Un des topos (enjeu, terrain de débat) de la philosophie est la distinction du « pour soi » et de l’ « en soi ». C’est une distinction entre les choses telles qu’on les voit et les choses telles qu’elles sont, indépendamment de nous. Pour Kant, le grand prédécesseur de Hegel, le « pour soi » et l’ « en soi » ne pourront jamais coïncider. Selon Kant nous ne pouvons connaitre les « choses en soi ». C’est pourquoi Alexandre Douguine parle de pessimisme épistémologique à propos de Kant. Au contraire, Hegel pense que l’on peut surmonter cette dissociation entre le « pour soi » et l’ « en soi ». Et ce par un mouvement dialectique.
Comment se présente ce mouvement, et d’abord, quelles en sont les termes ? L’Idée est le logos : la raison, la parole, le « dire », et plus largement la pensée. Elle est ce que Hegel appelle l’esprit subjectif. C’est l’esprit dans la conscience humaine. Pour éclairer les choses, nous dirons que ce qui est subjectif est un « pour soi », tandis que ce qui est objectif est un « en soi ». « Je me sens maltraité » est une appréciation subjective. « Ceci est une injustice » est une appréciation objective (elle se veut en tout cas objective). Comme le remarque Alexandre Douguine[8], l’esprit subjectif consiste à se mettre à la place de Dieu. Je parle de mon point de vue mais je pense que mon point de vue est légitimement surplombant. C’est l’occasion de l’installation de la conscience malheureuse. Je me prendrais volontiers pour Dieu mais je sais que je ne peux me prendre pour Dieu. Je suis ainsi séparé de Dieu, dans un rapport de frustration, d’irascibilité qui me rend malheureux (on sait que pour les Grecs, il y a deux tempéraments opposés : le sage et l’irascible).
L’esprit objectif se prétend en aval de la création. Il constate le monde. Non pas passivement du reste, il le réaffirme par des créations d’institutions, des œuvres d’art, etc. L’esprit subjectif, au contraire, est ce qui triomphe à notre époque d’inflation des ego. Institutions, Etat, lois, arts : il ne juge tout que par rapport à lui, non aux œuvres d’une civilisation. C’est selon Heidegger le règne de la subjectivité. Elle affirme le soi avant d’approuver le monde. Comment ne pas en rester à cette subjectivité ? Réponse de Hegel : il y a toujours une négativité des choses. De quoi s’agit-il ? De l’Autre d’une chose (de son envers), de ce qui lui manque. Par exemple, si, sur un total de 10 points, vous en possédez 6, la négativité de 6 est 4. La négativité est un manque. En ce sens, elle est un appel. Une positivité amène toujours à l’existence d’une négativité car la positivité n’est jamais la totalité.
Ainsi, l’existence d’un esprit subjectif implique l’existence d’un esprit non subjectif donc objectif, son contraire partiel, voire d’un « non-esprit objectif » : son contraire total. Celui-ci est la nature – elle n’est pas esprit, elle est objective - , et cette nature inclut la nature humaine. Cela veut dire que l’esprit subjectif sort de lui-même (s’extériorise) pour devenir la nature, pour se verser dans la nature. Nous en sommes donc au deuxième stade de notre mouvement Thèse–Antithèse (Idée–Nature). La nature comme esprit objectif voire « non-esprit objectif » (objectivité de ce qui n’est pas esprit) est à l’Idée ce que le concave est au convexe dans une surface plane, son complément pour atteindre à une totalité.
Ce terme de totalité est essentiel chez Hegel. Il s’agit de penser le tout du monde, de l’homme et de l’être. Comme chez Parménide, la totalité et la perfection sont l’être pensé. Etre et penser : le même. Aussi n’y-a-t-il pas pour Hegel de l’inconnaissable. Auquel cas, on ne pourrait connaitre le tout. C’est une grande différence avec Kant : pour ce dernier, Dieu, l’âme, le monde étaient inconnaissables, c’était le domaine de la métaphysique, c’est-à-dire de choses auxquelles on pouvait penser, que l’on pouvait penser mais non connaitre. C’était le domaine de l’indécidable. Et la raison est comme le monde et l’âme : elle nous échappe. Seul est à notre portée l’entendement, selon Kant. Le principal reproche (non le seul) que l’on peut faire à Kant est cette distinction entre entendement et raison. L’entendement n’est pas autre chose que l’intelligence de l’homme. Or, Kant met l’entendement en-dessous de la raison. Pourtant, il n’y a pas de raison humaine sans entendement. Autrement, la raison n’est qu’une raison calculante. Mettre la raison hors et au-dessus de l’entendement, c’est en fait prendre le risque (Kant ne pouvait le prévoir) de mettre l’intelligence artificielle au-dessus de l’intelligence humaine[9], alors que l’IA n’est justement pas une intelligence. Pour le dire autrement, la ratio n’est pas la noèse. Calculer n’est pas saisir. Savoir n’est pas comprendre.
Selon Hegel, la raison peut et doit saisir la totalité, tandis que l’entendement n’est que la compréhension partielle des phénomènes. La sensibilité, le ressenti, l’expérience vécue ne nous donnent que des indications partielles sur le réel. Au sens trivial, nous disons volontiers que ces indications sont concrètes. Exemple : quelqu‘un nous fait « bonne impression » (ou pas). Mais nous avons tort selon Hegel : une impression est partielle, elle n’est donc pas vraiment concrète. Au sens philosophique selon Hegel, un ressenti est une abstraction car c’est une impression partielle. Evidemment, Hegel est contre-intuitif. Mais comme cela que fonctionna sa pensée. Ce qui nous parait concret est souvent partiel, donc abstrait selon Hegel.
Ce qui est vraiment concret doit être total, et non immédiat. Or, nous confondons le concret et l’immédiat. Pour reprendre notre exemple, il nous faut réfléchir, de manière moins immédiate, aux circonstances de la rencontre, au pourquoi de la bonne impression, aux intentionnalités. Il s’agit, si on est hégélien dans la démarche (quitte à s’éloigner ensuite de Hegel), de passer de l‘abstrait de l’entendement au concret de la raison. C’est l’esprit qui va nous donner accès au « vrai » réel, au réel vraiment concret, au réel total, au tout du réel. Au totalement réel. Ce qui nous est apparu comme concret de prime abord est en fait abstrait.
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Dans ce schéma, on s’étonnera peut-être de ne pas avoir encore rencontré l’histoire. Or, elle est inclue dans la nature, car la nature de la nature humaine est d’être historique et culturelle. « La nature de l’homme, c’est sa culture ». L’histoire est partout : elle est dans le mouvement même de transfusion de l’esprit subjectif dans la nature. Mais le stade de la nature est aussi un stade de l’esprit. C’est le stade de l’esprit objectif. La nature est vue comme un objet, dans une dialectique sujet–objet (homme-nature). Mais nous allons voir que cet objet va se resubjectiviser.
A partir de l’esprit subjectif, fondé sur la psychologie de l’homme et sur son anthropologie, l’homme développe un esprit objectif c’est-à-dire qu’il produit du droit, des institutions, des lois écrites et non écrites, des constitutions, des monuments aussi, qui glorifient ces institutions, et une morale. L’histoire des hommes, qu’ils font en le sachant ou pas (en ne le sachant pas, nous dit Marx), relève elle-même de l’esprit objectif. Mais ce ne sont pas les histoires particulières qui sont l’esprit objectif, c’est l’histoire universelle. C’est toujours le tout qui donne son sens au singulier. C’est aussi la médiation, par quelque chose de plus complet, de plus total, qui donne sens au singulier.
L’histoire a deux sens : c’est ce qui nous est arrivé et c’est la façon dont nous racontons ce qui nous est arrivé. La notion d’histoire, collective ou individuelle, a donc toujours deux sens : ce qui nous est arrivé n’existe pas indépendamment du récit que nous en faisons (un récit qui a à plusieurs versions bien entendu). L’histoire est d’emblée une notion médiatisée. Pour qu’elle soit concrète, il faut qu’elle soit totale, donc universelle. Et cette histoire universelle a un sens, nous dit Hegel : toujours plus de liberté. Mais s’agit-il d’une liberté de faire tout ce que l’on veut ? Certes non. La liberté est la conscience de ce qui doit être, de ce qui ne peut pas ne pas être. Le réel n’est pas « bien » en soi, mais il est le meilleur à un moment donné car il s’inscrit dans un mouvement nécessaire. En ce sens, Hegel est dans la lignée de Spinoza (tout ce qui arrive doit arriver) et dans celle de Leibniz (nous vivons dans le meilleur des mondes possibles, au moment où nous vivons. Cela ne veut pas dire dans un monde « bon et bien »). Quand Hegel dit à propos de Napoléon, en 1806 : « J’ai vu l’Empereur, cette âme du monde… », c’est parce que, pour lui, la création d’un Etat fort, garantissant les principes de la Révolution française de 1789 correspond à l’impérieuse nécessité historique du moment et est une manifestation de la liberté de l’homme. Mais si l’Etat est la manifestation de l’esprit objectif, il n’est pas la manifestation de l’esprit absolu, qui réconcilie l’esprit objectif (du stade 2) et l’esprit subjectif (du stade 1).
Les hommes font donc leur histoire, qui aboutit au triomphe de l’esprit sans entraves (c’est ce que veut dire absolu). L’histoire des hommes ne consiste pas à suivre un quelconque « droit naturel », qui n’existe pas. Pour Hegel, le droit positif, celui qui existe comme produit historique d’une société, est supérieur à l’impératif moral catégorique de Kant car ce qui est le produit d’une évolution est supérieur à ce qui est décrété abstraitement (et l’impératif moral de Kant lui parait abstrait). L’homme de l’impératif catégorique risque de se sentir une « belle âme » c’est-à-dire de tomber dans le contentement de soi sans penser aux conditions concrètes de la morale. En ce sens, la « belle âme » chez Hegel – celle qu’il critique - est le contraire d’une « âme belle », telle celle que veut Goethe.
Ce qui a de la valeur est ce qui est issu de l’esprit de l’homme, et il n’y a nul secret à chercher dans la nature. On peut appeler aliénation l’extériorisation de l’Idée dans la nature, et cette transformation de l’esprit subjectif en esprit objectif. On peut aussi voir dans cela un retrait. L’esprit subjectif se met en retrait pour laisser place à la nature objective et à l’esprit objectif. L’esprit subjectif se retire de lui-même pour envahir le champ de la nature, métamorphosé en esprit objectif.
A partir de là peut se réaliser une troisième étape, celle de la synthèse. « Nous allons voir que cet objet va se resubjectiver » avions nous dit plus haut. L’esprit subjectif (l’Idée, la pensée) devenu objectif (comme la nature l’est) se réapproprie la conscience de soi et devient esprit absolu (absolu : sans entrave, pleinement libre). Ce que désigne absolu chez Hegel n’est pas conforme à l’étymologie qui veut dire « séparé ». Au contraire, cela veut dire : « au-delà de toute séparation ». Cela veut dire que l’Esprit (la majuscule s’impose ici) existe par lui-même, sans être conditionné par des définitions partielles. L’Esprit est absolu en tant qu’il est total, qu’il est « totalement le réel » et « le tout du réel ».
En d’autres termes, l’objectif et le subjectif se réconcilient. Le « pour soi » (L’Idée) est devenu « en soi » (la Nature). Le « pour soi » et l’ « en soi » se réconcilient dans l’Esprit (absolu) qui est un « en soi pour soi ». A ce stade de la synthèse, la nature devient esprit et conscience d’elle-même. Comme l’homme fait partie de la nature, c’est l’homme qui devient conscient de lui-même et du sens de sa propre histoire au sein de la nature. L’homme devient conscient par là même de son histoire politique, qui est ce qu’il y a de plus caractéristique de son humanité. C’est l’histoire des religions, des arts, des idées, de la philosophie qui devient alors lisible par l’homme dans une transparence à soi qui est le propre de l’esprit absolu.
La philosophie de Hegel est ainsi un dualisme (Idée–Nature ou esprit subjectif–esprit objectif) surmonté par l’accession à l’esprit absolu. On peut voir aussi cette philosophie comme un monisme de l’esprit qui se déploie en dualisme et se rassemble ensuite en monisme supérieur. On peut encore trouver une analogie avec la doctrine des universaux, qui correspond au moment moniste (l’Idée – stade 1, puis l’Esprit – stade 3), mais un monisme transcendant, et celle des nominaux (le nominalisme affirmant la pluralité, qui commence à deux : Idée–nature, esprit subjectif–esprit objectif), qui correspond au moment dualiste (avec la Nature – stade 2) et plus généralement pluraliste. Mais ce nominalisme est alors un pluralisme de l’immanence (celui de la Nature).
Pour Hegel, l’histoire des hommes apparait comme le mouvement par lequel, de manière progressive, les hommes, après avoir versé tout leur esprit subjectif dans la nature, se réapproprient cet esprit en resubjectivant la nature et en ‘’supprimant-conservant-dépassant’’ (Aufhebung) l’esprit objectif (celui du stade 2) par un retour conscient sur soi (stade 3 : la synthèse, l’esprit absolu). Cela se fait par la création d’institutions toujours plus parfaites, d’arts de plus en plus épanouis, de pensées de plus en plus élevées dans le domaine de la religion, avec le christianisme, et dans le domaine de la philosophie. Dans tous les domaines, il s’agit de réunir ce qui a pu s’opposer. Ainsi, l’art est-il l’union de la forme et du contenu par le symbole. La forme est limitée, le contenu est illimité. C’est le symbole qui permet de signifier le « sans-limite », ou le « hors limite » (un sentiment, une gloire, etc) dans une forme limitée. C’est toujours une méthode dialectique (même quand le mot n’y est pas) qui surmonte une séparation.
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Le christianisme est le paradigme de la dialectique de Hegel (qui employait peu le terme). Jésus est un Dieu fait homme, donc une négation de Dieu, mais, mourant sur la croix, il renait, et c’est la Résurrection. Il devient alors le Christ, c’est-à-dire la négation de la négation, le Dieu fait homme (négation de Dieu) qui redevient Dieu sans cesser d’être un homme. Fils de l’Homme et vrai Dieu. Ce pourquoi le Saint Esprit procède du Père et du Fils. (s’il ne procède que du Père, il n’y a plus de dialectique. Il n’y a que des déclinaisons de la verticalité absolue du Père). Jésus Christ : vrai homme et vrai Dieu. Tout Hegel est là. Hegel arrive, en passant par le dualisme Idée–Nature à un monisme à la fois transcendant (comme l’Idée) et immanent (comme la Nature) qui est l’Esprit (absolu), et qui réconcilie la pluralité avec l’Unité, que l’on retrouve au final, mais rehaussée, par rapport à l’Idée unitaire du début, incomplète, mutilée, abstraite (ce qui est parfait, accompli, mené à bien doit être le non-abstrait pour Hegel, c’est-à-dire le concret).
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La pensée de Hegel peut évidemment donner lieu à des variantes, à des développements divers, et c’est ce qui s’est produit. C’est ce que l’on a appelé les hégélianismes de droite et de gauche. Sachons aussi qu’il existe aussi un hégélianisme « libéral » - ou mieux encore : progressiste-libéral - qui considère que la fin de l’histoire, au sens de sa finalité, est la société libérale. C’est la position d’Alexandre Kojève[10] et de Francis Fukuyama[11]. L’hégélianisme « de droite », pour sa part, est dans la filiation directe de Hegel (même s’il était étranger aux catégories de droite et de gauche). C’est un hégélianisme qui considère que l’ordre existant est légitime par principe. Il considère que l’Etat prussien est le plus perfectionné de l’Allemagne voire de l’Europe, et le plus apte à préparer l’unité étatique de l’Allemagne. L’hégélianisme « de gauche » – qui s’appela historiquement le Jeune hégélianisme (Marx en fit partie de 1841 à 1844) - considère au contraire que cet Etat n‘est qu’une étape, et est le reflet des limites historiques de son temps. Il considère que le socialisme est le stade supérieur de la civilisation, en quelque sorte l’équivalent de l’esprit absolu, tout en échappant à tout spiritualisme et à tout idéalisme.
Marx ne se contente pas d’appliquer la méthode dialectique de Hegel à un domaine peu pratiqué par Hegel : l’économie politique. Son approche méthodologique diffère de celle de Hegel. La dialectique de Marx, non seulement ne part pas des mêmes prémisses que celle de Hegel, mais est différente. Témoin cette remarque de Marx : « L’homme aliéné de soi par soi est aussi le penseur aliéné de son être, c’est-à-dire de l’être naturel et humain. »[12] Mais « ce qui est naturel est toujours historial », disait Heidegger. Et ce qui est historial est amené à « avoir à être », est appelé à être. Ce qui est historial est ‘’ce qui doit advenir’’. C’est une ouverture à ‘’ce qui vient’’.
La compréhension du passé vaut ainsi non pour lui-même mais par fidélité à une espérance : espérance chrétienne chez Hegel, espérance d’une société sans classe chez Marx. Deux espérances différentes mais fondées dans les deux cas sur l’étude de l’histoire et de la pensée. Il en ressort toutefois une divergence de fond. Monisme de l’être (non immobile bien entendu) chez Marx, monisme de l’esprit chez Hegel. Pour Hegel, il faut réconcilier l’homme avec l’esprit du monde. Pour Marx, il faut réconcilier l’homme avec lui-même.
Le « saut platonicien » – celui qui va de l’Idée aux apparences – qu’évoque Alexandre Douguine concerne Hegel, et seulement lui. Marx est moins platonicien que Hegel et plus aristotélicien. Et ce non-platonisme éloigne Marx de Hegel. La question du rapport de Marx à Hegel est essentielle. Marx s’est–il contenté de renverser Hegel et de remettre la philosophie à l’endroit : les idées après la matière et après la nature, et non le contraire ? Nous avons vu que Marx ne s’est pas contenté de cela. Il est plus moniste que Hegel. Son monisme est moins un monisme de résultat (même s’il vise à la société sans classe) mais un monisme de départ (pour Marx, l’homme fait pleinement partie de la nature et du procesus de la vie).
On a reproché (Henri Denis) à Marx cet éloignement de Hegel[13]. La théorie de la transformation de la valeur en prix de production (le Capital, Livre III, section 2 chap. 9 et 10[14]) a notamment fait l’objet de critiques en ce sens (Eugen von Böhm-Bawerk, Michio Morishima, Ladislaus Bortkiewicz, ce dernier validant toutefois en grande partie l’analyse de Marx). Nombre de ces critiques, celles issues des marxiens, portaient sur le fait que Marx aurait cherché à résoudre de manière non hégélienne – et donc post-marxienne ( !) – un problème déjà posé par Ricardo[15]. Quoi qu’il en soit de cette controverse de théorie économique, c’est la dimension proprement philosophique qui nous importera ici : Marx est avec Hegel mais au-delà de Hegel.
Chez Marx, hégélien critique, hégélien de premier appui (quand on escalade, il faut bien une première prise), le monisme de départ n’est pas l’Idée (le logos, la raison, la pensée). C’est la nature ou la matière. C’est pourquoi Marx s’écarte rapidement de Hegel qu’il voit comme un idéaliste au sens philosophique, c’est-à-dire quelqu’un qui croit à la primauté de l’Idée (tout comme Platon). Idéaliste : qui croit que l’esprit préexiste à la matière et se dégrade dans celle-ci. Pour l’idéalisme[16], la transcendance ne peut se maintenir face à l’immanence du réel. Quand l’Idée s’incarne, son contenu se dégrade. Ce qui amène à condamner le réel (lire Clément Rosset à ce sujet).
Selon Marx, c’est au contraire le réel matériel qui est primordial, et est à l’origine du monde. Mais en même temps, la conscience des hommes fait évoluer le monde matériel. Le « matérialisme » de Marx est donc très relatif. Il y a une interaction entre les forces matérielles, les rapports sociaux et les représentations, c’est-à-dire les idéologies (la façon dont les choses sont vues)[17]. Pour simplifier, nous dirons : est matérialiste celui qui pense que la matière est à l’origine du réel, mais qu’elle donne naissance à l’esprit. Matérialisme : une immanence qui devient une ascension vers la conscience et l’esprit tout en restant lié à la matière, c’est-à-dire aux conditions matérielles du monde, conditions à la fois héritées et produites par l’homme.
C’est cette conception que résume Gueorgui Plekhanov, avec l’utilisation évidemment inappropriée de « socialisme scientifique » mais en comprenant bien la nécessité de dépasser l’opposition que fait Descartes entre la res cogitans et la res extensa : « Le matérialisme, nous dit Plekhanov, sous la forme élaborée au XVIIIe siècle et tel qu’il a été adopté par les fondateurs du socialisme scientifique, nous enseigne que “nous ne pouvons connaître une substance pensante en dehors de la substance douée d’étendue, et que la pensée est, au même titre que le mouvement, une fonction de la matière. ‘’ »[18]
De son côté, Marx nous dit : la nature, qui est aussi la nature humaine, traverse un moment d’aliénation, de dessaisissement de soi, avec l’apparition des sociétés de classes. Elle sortira de cette aliénation par la création d’une société sans classes. On retrouve le mouvement ternaire caractéristique de Hegel même s’il y a retournement du point de départ. Avec Marx, nous trouvons la nature et la matière au départ. Puis, nous connaissons le moment de l’esprit faussé (religion, idéologie, conscience faussée), ensuite (3ème stade), la sortie de l’aliénation : l’esprit entre en conformité avec la nature et l’émancipation de l’homme advient. Il y a rétablissement d’une unité homme–nature. « Le développement illimité du capital détruit les deux sources de la richesse, la Terre et le travail. C’était une des conclusions les plus importantes de Marx qui recherchait la voie d’une restauration du métabolisme entre l’homme et la nature. », écrit Denis Collin (entretien avec Breizh-info.com, 25 janvier 2025).
Ainsi, avec Marx, le stade 2 de Hegel (la nature) devient le stade 1. Le stade 2 de Marx est l’esprit en tant qu’aliéné et encombré d’illusions (idéologie, religion), il est l’esprit subjectif de Hegel, son stade 1. Cet esprit aliéné est déjà porteur chez Marx de potentialités de compréhension de sa propre aliénation. Le stade 3 de Marx est l’adéquation entre la nature émancipée de l’homme, débarrassé de son auto-exploitation économique, et la conscience de l’homme, qui est d’abord conscience de sa propre histoire. Comme Hegel, Marx vise la réunification de l’esprit subjectif et de l’esprit objectif, mais non comme « esprit absolu » (le stade 3 de Hegel). C’est chez Marx une réconciliation de l’homme et de la nature (= la matière). C’est une réconciliation entre l’esprit subjectif et l’esprit objectif mais cela peut se dire autrement. C’est une réconciliation entre l’homme abstrait – c’est-à-dire comme espèce, comme être « organique », produit par la nature – et l’homme socio-historique – concret, « générique » (Gattungswesen)[19] en tant qu’il crée les conditions de sa propre reproduction[20].
Prenons le temps d’écouter Marx sur cette notion d’être générique. Voyons tout d’abord que cette notion caractérise seulement l’homme, alors que les animaux - et l’homme « brut », abstrait, hors l’histoire (qui n’existe plus) – ne sont que des êtres organiques (ce pourquoi l’homme est un animal mais aussi plus qu’un animal). Marx nous dit ceci : « En produisant pratiquement un monde d'objets, en façonnant la nature non organique, l'homme s'affirme comme un être générique conscient, c'est-à-dire un être qui se rapporte à l'espèce comme à sa propre nature, ou à lui-même comme être générique. Certes, l'animal aussi produit. Il construit son nid, son habitation, tels l'abeille, le castor, la fourmi, etc. Mais il produit seulement ce dont il a immédiatement besoin pour lui et pour sa progéniture ; il produit d'une façon partielle, quand l'homme produit d'une façon universelle ; il [l’animal] ne produit que sous l'empire du besoin physique immédiat, tandis que l'homme produit alors même qu'il est libéré du besoin physique, et il ne produit vraiment que lorsqu'il en est libéré. L'animal ne produit que lui-même, tandis que l'homme reproduit toute la nature. Le produit de l'animal fait, comme tel, partie de son corps physique, tandis que l'homme se dresse librement face à son produit. L'animal ne crée qu'à la mesure et selon les besoins de son espèce, tandis que l'homme sait produire à la mesure de toutes les espèces, il sait appliquer à tout objet sa mesure inhérente ; aussi sait-il créer selon les lois de la beauté. C'est précisément en façonnant le monde des objets que l'homme commence à s'affirmer comme un être générique (souligné par nous). Cette production est sa vie générique créatrice. Grâce à cette production, la nature apparaît comme son œuvre et sa réalité. L'objet du travail est donc la réalisation de la vie générique de l'homme. L'homme ne se recrée pas seulement d'une façon intellectuelle, dans sa conscience, mais activement, réellement, et il se contemple lui-même dans un monde de sa création. » (Manuscrits de 1844). Cette réconciliation (entre l’être organique et l’être générique) se fait comme assomption d’un humanisme intégral et affirmation d’un monisme évolutif. Avec Hegel comme avec Marx, il y a réconciliation finale de deux pôles antagonistes, mais le point de départ n’est pas le même, non plus que le point d’arrivée.
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Nous avons vu Hegel travailler en dialecticien. Mais on peut aussi analyser Hegel en termes de « haut » et de « bas », d’ascension et de descente, voire de chute, comme sur une échelle. Selon Hegel, l’esprit subjectif tombe à un niveau inférieur dans la nature. C’est le passage du stade 1 au stade 2. C’est ici qu’intervient la notion de négativité, qui a donné lieu à tant de formules prétentieuses, mais qui est en fait assez simple. La négativité est un déficit, c’est l’Autre d’une chose. Pour Hegel, la référence est toujours la totalité. Pour reprendre un exemple cité plus haut, sur un total de 10 boules de pétanques, si vous en avez 6, la négativité est de 4. La négativité est donc ce qui manque à une chose pour attendre au tout. Dans un registre moins comptable, la négativité d’un fruit pas mûr est le temps de murir et le soleil, voire le soin qu’on lui apporte. La négativité est donc aussi un appel. Ainsi, la nature (stade 2) est la négativité de l’esprit subjectif (stade 1). Elle remonte vers l’esprit, et c’est cette fois l’esprit absolu (stade 3) qui apparait comme réconciliation de l’esprit subjectif (stade 1) et de l’esprit objectif (stade 2). C’est une respiritualisation de la nature, d’abord détachée de l’esprit, puis rendue à l’esprit. On peut le dire autrement : c’est le retour du sens et sa réappropriation.
Autre clé de lecture : on peut aussi comprendre Hegel en termes de rapport entre une unité et une multiplicité. Au début est le Un (l’esprit subjectif), puis vient la nature dans sa multiplicité, et enfin l’esprit absolu qui dépasse et inclut les deux notions précédentes. C’est l’Aufhebung, une annulation–conservation par transformation et élévation, une relève, comme l’officier de quart prend la relève de son camarade. L’annulation d’une forme originelle pour la reprendre, la sauver à un niveau supérieur. Comme la mort de Jésus et sa résurrection en Christ. Il s’agit de surmonter une notion, un stade de la pensée mais sans l’abolir. Exemple. Nous marchons en montagne. On dépasse un col, il est annulé comme objectif, mais il a existé comme chemin vers un col plus élevé, ou vers un sommet plus élevé. Nous sommes au-delà de ce col. Le franchir a été indispensable dans notre parcours.
Aufhebung est une notion proche d’Überwindung, la première notion insistant plus sur le levage, le soulèvement de la notion d’origine, mais les deux termes indiquant un dépassement. Aussi est-il éclairant de noter qu’on traduit Die Überwindung der Metaphysik, livre de Walter Schweidler, par « Au-delà de la métaphysique ». On traduit aussi le livre de Rudolf Carnap Überwindung der Metaphysik durch logische Analyse der Sprache par « Le dépassement de la métaphysique par l'analyse logique du langage ». La tonalité est double : dépasser est une façon de conserver mais aussi de rendre caduc. Selon les auteurs, l’accent est mis sur un aspect ou plutôt sur un autre.
* * *
Il reste la dimension originelle du débat. Ce qui est à l’origine est-il l’esprit ? « L’absolu est esprit », affirme Hegel (Encyclopédie des sciences philosophiques III. Philosophie de l’esprit). Ou bien est-ce la nature, la matière qui, en se complexifiant, donne naissance de l’esprit, qui est son reflet (mais un reflet agissant), en passant par le cerveau ? Ceci nous ramène à ce que nous avons évoqué des différences entre Hegel et Marx. Ce qui distingue Marx de Hegel, ce n’est pas la méthode dialectique (ils la partagent dans son principe), c’est le point de départ : l’esprit ou la nature ? Hegel part de l’esprit. Marx part de la nature. Le premier fait sa place à Dieu, la place première et ultime, puisque Dieu est l’esprit absolu. Le second considère que l’idée de Dieu est une illusion.
Il existe pourtant une voie qui réconcilie Dieu, ou bien plutôt le divin, ou mieux encore le sacré, et la nature, une nature qui n’est pas une donnée immuable mais un processus éternel. Cette voie consiste à penser « Deus sive Natura ». C’est ce que fait Spinoza dans L’éthique (IV, 1677), après avoir affirmé ce même axiome (qui annonce ceux de Ludwig Wittgenstein) dans son Traité théologico-politique (1670). Ce que veut dire « Dieu ou la nature », c’est qu’il ne faut pas choisir, qu’on ne peut pas choisir entre Dieu et la nature puisque c’est la même chose. Dieu et la nature, c’est l’être infini et éternel. L’un n’est qu’un autre nom de l’autre. Dieu, dans cette conception, est tout sauf une personne, il est le divin, il est la divinité qu’est le monde (ou la nature). Corollaire : il n’y a pas de monde extérieur à soi puisque le monde nous inclut. Dieu nous inclut, la nature nous inclut.
A la lecture de Spinoza, on peut se demander si le vrai clivage est entre Marx et Hegel. N’est-il pas plutôt entre Hegel et les penseurs panthéistes, comme Spinoza[21], ou cosmothéistes (comme les Anciens Egyptiens)[22]. Et n’y-a-t-il pas des ponts à explorer entre Marx et Spinoza ?[23] En tout état de cause, la querelle entre Marx et Hegel, querelle posthume, s’éclaire étonnamment si on fait intervenir la question du divin, et plus amplement du sacré[24], même si cette question est occultée chez Marx par son rapport (critique) à la religion. Car le divin et plus largement le sacré vont bien au-delà des religions instituées. Autant dire que nous n’avons pas fini d’en parler.
PLV
Notes:
[1] A. Douguine, « Hegel et le saut platonicien », Euro-synergies, 21 janvier 2025.
[2] Lire par exemple Friedrich-Albert Lange, Histoire du matérialisme, 1866.
[3] Troubetskoï enseigna en Autriche et fut persécuté par les nazis après l’Anschluss. On ne peut le suivre sur sa sous-estimation de l’unité des langues indo-européennes. Par contre, que l’identité russe soit composite, à la fois indo-européenne (pour la langue russe en tout cas) et finno-ougrienne ne fait pas de doute. Les Finno-Ougriens (Estonie, Finlande, Hongrie…) sont des peuples ouralo-altaïques, catégorie qui inclut aussi les Turcs (ou Turco-Tatars) et les Mongols.
[4] Totalisme et non totalitarisme.
[5] La logique est la pensée et l’énoncé de la pensée. « Au commencement était le Verbe », (logos) dit saint Jean. Chez Hegel, la Science de la logique (1812-1816) - dite plus tard Grande Logique - comporte l’Etre et la doctrine de l’essence (qui constituent toutes deux la logique objective), puis la doctrine du concept (qui est la logique subjective). La Petite Logique constitue pour sa part la première partie de l’Encyclopédie des sciences philosophiques (1817).
[6] Le philosophe canadien Jean-Luc Gouin parle, de son côté, du « Gyroscope Sujet—Négativité—Résultat—Réconciliation » mais le résultat est la réconciliation, ce qui forme une redondance. On peut donc parler plutôt de Sujet-Négativité- Réconciliation, ce qui rejoint le schéma classique que nous avons adopté.
[7] « Le néant ne reste pas le simple vis-à-vis indéterminé de l’étant, mais se dévoile plutôt comme ayant part à l’être de l’étant. », Qu’est-ce que la métaphysique, 1929.
[8] « Hegel et le saut platonicien », Euro-synergies, 20 janvier 2025, art. cit.
[9] Cf. Paul Ducay, « L’IA n’est qu’une Raison artificielle », Philitt, 31 janvier 2025.
[10] Introduction à la lecture de Hegel, Gallimard, 1947.
[11] La fin de l’histoire et le dernier homme, 1992.
[12] Manuscrits économico-philosophiques de 1844, trad. Franck Fischbach, Vrin, 2007, p. 174.
[13] Henri Denis, Logique hégélienne et systèmes économiques, 1983 ; L’ ’’économie’’ de Marx. Histoire d’un échec, 1992.
[14] Le Capital, Livre II et III, Folio-Gallimard, 2008. Le livre IV du Capital est constitué par les Théories sur la plus-value.
[15] Ce qui est reproché à Marx est un retour à Ricardo, une « déviation ricardienne ». Le supposé échec de Marx – qui n’est bien sûr pas à exclure - dans le traitement de cette question est remis en cause par Adolfo Rodriguez-Herrera, Travail, valeur et prix, L'Harmattan, 2021 ; cf. aussi Alain Lipietz, « Retour au problème de la transformation des valeurs en prix de production », Cahiers d’économie politique, 7, 1982 ; Gilles Dostaler : Marx. La valeur et l’économie politique, Anthropos, 1978 ; Valeur et prix. Histoire d’un débat, Maspéro, 1978, L’Harmattan, 2013.
[16] Le clivage idéalisme-matérialisme ne recoupe pas celui qui existe entre ceux qui voient l’homme comme une créature et ceux qui pensent l’homme comme créateur de lui-même. En effet, du point de vue matérialiste, l’homme se crée lui-même d’une certaine façon, mais en tant qu’il est produit par l’évolution même du vivant et de la matière, pas ex nihilo. L’idéalisme qui affirme la primauté de l’Idée, et donc de l’Idée de l’homme est donc en fait une conception de l’homme plus créationniste – un créationnisme idéaliste – (l’Idée précède et engendre le réel et l’homme) que le matérialisme. Pour ce dernier, L’homme [est] dans le fleuve du vivant, selon le titre du livre de Konrad Lorenz, (1981). Pour le matérialiste, l’homme est une création continue de la nature, pas une création de Dieu.
[17] De ce fait, compte tenu de l’importance des ‘’superstructures’’ idéologiques et du fait qu’elles ne sont pas un simple reflet des conditions matérielles (contrairement à ce que dit un marxisme vulgaire), il nous parait difficile de se référer aussi bien à l’idéalisme ou au spiritualisme (nouvelle forme de l’idéalisme) qu’au matérialisme. Le terme de monisme, ou de monisme dialectique parait plus à même de rendre compte du réel et de son mouvement de perpétuelle polarisation et dépassement des contraires. Coincidentia oppositorum, comme dit Nicolas de Cuse.
[18] G. Plekhanov, D’une prétendue crise du marxisme, 1898.
[19] Cet être générique, c’est l’homme en tant qu’il travaille consciemment à devenir homme.
[20] Cette reproduction est économique et non-économique. Ces aspects non économiques sont regroupés sous le nom d’anthroponomie par Paul Boccara.
[21] D’où la querelle du panthéisme (1785-1815) qui débute par le débat entre Lessing, défenseur des idées de Spinoza, et Jacobi, qui les combat au nom de la lutte contre l’athéisme auquel conduirait le panthéisme de Spinoza. Schelling sera ensuite à la fois le penseur du panthéisme et celui du monisme dialectique.
[22] Voire comme Heidegger. Le Da de Da-sein ne fait-il pas signe vers un cosmothéisme ?
[23] Franck Fischbach, La production des hommes. Marx avec Spinoza, Vrin, 2014.
[24] Le sacré fait intervenir la nature, la sexualité, le sacrifice, les idéaux pour lesquels on est prêts à mourir, etc.
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lundi, 17 mars 2025
Douguine et le déclin de l'Occident
Douguine et le déclin de l'Occident
Bref essai de Constantin von Hoffmeister sur Alexandre Douguine et Oswald Spengler
Constantin von Hoffmeister
Nous sommes en train de pourrir. Mais dans la pourriture, quelque chose de différent se glisse. Oswald Spengler regardait l'Europe et voyait une vieille femme, les lèvres peintes pour en cacher les fissures. Alexandre Douguine regarde le monde et voit un champ de bataille, des lignes tracées dans le sang. L'homme faustien, celui qui va au-delà, le bâtisseur de cathédrales, l'ingénieur de l'apocalypse - il a trop construit, il est allé trop loin, et maintenant il se noie dans l'océan même qu'il cherchait à conquérir. Que reste-t-il ? Une nouvelle guerre, non seulement une guerre des nations, mais une guerre au sein de l'Être lui-même. La Quatrième théorie politique ne pleure pas l'Occident comme le fit Spengler. Elle rit. Elle aiguise son couteau. Elle déclare les vieilles idéologies mortes et jette leurs cadavres dans la boue. Elle appelle à quelque chose de nouveau, quelque chose qui va au-delà du libéralisme, du communisme, du fascisme - un retour, mais pas à la tradition en tant que pièce de musée. A la tradition comme arme.
Spengler savait. Il savait que les civilisations, comme les hommes, vieillissent, s'affaiblissent, s'effondrent sous leur propre poids. Mais que se passe-t-il lorsqu'un vieil homme refuse de mourir ? Regardez l'Europe: un continent au stade final de la consommation, qui siffle des slogans creux évoquant la « démocratie » et les « droits de l'homme » tandis que ses villes brûlent et que ses frontières se dissolvent. L'homme faustien, piégé dans sa propre création, incapable de s'en défaire, s'accrochant au rêve d'un progrès éternel alors qu'il est en train de s'enfoncer dans le vide. Mais Douguine ne parle pas de déclin, il parle de guerre. L'âge des Césars de Spengler, non pas comme un phénomène qui appelle une complainte, mais comme un phénomène qui réclame une prophétie. Les grands hommes reviendront, mais ils ne seront pas européens. L'Europe a oublié comment engendrer des conquérants. Les nouveaux Césars viendront d'ailleurs, de civilisations encore assez jeunes pour croire au destin.
Pseudomorphose : le beau mot de Spengler pour désigner l'étouffement d'une jeune civilisation par le cadavre d'une ancienne. L'Europe a étranglé la Russie pendant des siècles, l'a forcée à porter ses propres vêtements, à parler sa langue, à prétendre être ce qu'elle n'était pas. Mais la Russie n'a jamais été faustienne. Elle n'a jamais eu besoin de l'être. La Troisième Rome attendait toujours, attendait son heure, observait l'Europe s'étriper sur l'autel de son orgueil. Et maintenant ? La pseudomorphose se lézarde, se fissure. La Russie se débarrasse de sa peau occidentale, se tourne vers ses propres racines - eurasiennes, orthodoxes, nées dans les steppes. C'est ce que comprend Douguine : la Russie est jeune. La Russie a faim. Elle ne respecte pas les règles de l'ordre ancien et moribond. Elle en construit un nouveau, l'épée à la main, là où l'Occident tenait autrefois sa cour avec un stylo et du papier, aujourd'hui noyé qu'il est dans sa propre encre.
Qu'en est-il de l'Amérique ? Un colosse, oui, mais construit sur de l'air. Une expérience faustienne tardive, toute de technocratie et de rapidité, mais sans âme. La quatrième théorie politique ne s'incline pas devant elle. La vision de Douguine n'est ni américaine, ni mondialiste, ni universelle. Spengler voyait l'Amérique comme l'extension inévitable de la volonté de puissance faustienne: le capitalisme comme métaphysique, la publicité comme philosophie, la machine comme dieu. Douguine voit autre chose - un empire qui s'est oublié, qui ne sait même pas qu'il est un empire, se dévorant lui-même dans un rêve fiévreux de décadence libérale. Le César américain viendra, mais il n'héritera que de cendres.
L'Europe était belle autrefois. Sa tragédie est qu'elle n'a jamais su s'arrêter. L'âme faustienne était destinée à créer, à construire, à pousser vers l'extérieur, mais il y avait toujours un prix à payer. Spengler l'a vu: l'expansion infinie, l'ambition infinie, le rêve de l'illimité - jusqu'à ce que le rêve se brise et que les bâtisseurs deviennent des squatters de leurs propres ruines. Le côté négatif de l'esprit faustien est son refus d'accepter les limites, de savoir quand mourir. C'est ainsi qu'il perdure, mécanisé, bureaucratisé, automatisé, gouverné par des hommes qui n'ont ni passé ni avenir, avec seulement le bourdonnement ennuyeux de l'administration. La postmodernité n'est qu'un autre mot pour désigner la rigidité cadavérique.
Mais l'Occident a encore du pouvoir. Le cycle de Spengler n'est pas encore achevé, et même dans la décadence, il y a des moments de terrible beauté. Les derniers guerriers de l'ancien ordre - ceux qui se souviennent, qui ont encore le feu dans le sang - observent, attendent. L'ère des Césars ne sera pas douce. L'homme faustien, même dans sa chute, se déchaînera. Douguine ne croit pas à la survie de l'Occident, mais il croit en sa capacité à se battre, à se déchaîner même lorsqu'il tombe. La question est de savoir qui maniera cette rage. Les mondialistes, les gestionnaires, les lâches qui ont vendu leur héritage pour le confort ? Ou ceux qui entendent encore l'écho lointain des clochers gothiques, les hymnes de la bataille, le rugissement de quelque chose de primitif et d'oublié ?
La multipolarité n'est pas seulement une réalité politique. Il s'agit d'un changement métaphysique. Spengler y a fait allusion, Douguine le proclame. L'ère d'une civilisation dominant toutes les autres est révolue. L'homme faustien voulait le monde entier, mais le monde ne veut plus de lui. La Chine s'élève, indemne, sans être affectée par la maladie de l'Occident. L'Islam se souvient. L'Inde se réveille. La Russie rugit. Ce monde n'est pas celui des valeurs universelles, des droits de l'homme, de la démocratie au sens occidental du terme. C'est un monde de civilisations, de destin, de volonté. L'Occident faustien n'est plus qu'un acteur de plus sur la scène, il n'en est plus le metteur en scène.
Et pourtant, certains ne l'acceptent pas. Les fantômes de l'empire persistent. Le vieux monde s'accroche à ses mythes, refusant de voir que le vent a déjà tourné. L'OTAN s'étend, les sanctions s'empilent de plus en plus haut, une tour de dépit fragile qui s'effondre en même temps qu'elle s'élève, mais rien de tout cela n'arrête le lent effritement. Les dirigeants européens sont des somnambules. Le monde qu'ils gouvernent est une fiction. Spengler les a vus venir - la classe bureaucratique, les gratte-papiers, les employés de bureau chargés d'une civilisation mourante. Ils confondent leur position avec le pouvoir. Le vrai pouvoir est ailleurs, il se déplace vers l'est, vers le sud, vers ceux qui croient encore en quelque chose de plus grand que la croissance économique et les cadres juridiques.
Douguine et Spengler ne s'opposent donc pas. Ils sont les pendants d'une même vision : la mort de l'ancien et la naissance du nouveau. Spengler a fait son deuil. Douguine ne le fait pas. Il se prépare. La quatrième théorie politique ne cherche pas à faire revivre l'Occident. Elle cherche à le remplacer. Par quoi ? Cela n'est pas clair, mais la clarté, c'est pour le temps de paix. L'heure est à la bataille, à la guerre, non seulement dans les rues de l'Ukraine, de Gaza ou du prochain front, mais aussi dans l'esprit, dans l'âme, dans le tissu même de la civilisation.
Nous sommes en train de pourrir. Mais dans cette pourriture, quelque chose de différent se glisse. L'Occident est en train de mourir, mais il ne meurt pas tranquillement. Il se déchaîne, il lutte, il refuse d'accepter son destin. Spengler nous dit que c'est inévitable. Douguine nous dit de choisir un camp. La seule question qui reste est : qui tiendra le couteau ?
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jeudi, 13 mars 2025
L'hydre globaliste: pourquoi Macron et Starmer sont les réelles menaces
L'hydre globaliste: pourquoi Macron et Starmer sont les réelles menaces
Alexander Douguine
Revenons au grand discours de Trump du 5 mars 2025. Désormais, il ne s'agira plus seulement de politique mais d'idéologie. De nouvelles valeurs (traditionnelles et américaines aux Etats-Unis), d'une nouvelle loi, d'une nouvelle économie, d'une nouvelle géopolitique, d'une nouvelle approche de l'administration, d'une nouvelle politique tarifaire - d'une Nouvelle Amérique. D'un Âge d'or pour certains, pour d'autres la fin de (leur) monde.
Les États-Unis globalistes libéraux sont officiellement annulés. Les globalistes ont été virés.
Les Démocrates ne sont qu'une bande de pervers. Rien d'autre. Ils relèvent d'une clinique psychiatrique où ils pourront guérir leur maladie mentale. Certains sont des criminels, certains sont des corrompus, certains sont juste stupides mais tous profondément pervertis. Les Américains méritent un nouveau Parti Démocrate ou aucun parti.
Une Amérique saine n'a pas besoin d'une élite folle.
Macron et Starmer sont aujourd'hui nos pires ennemis. Ils représentent deux têtes de l'hydre globaliste. Il vaudrait mieux les couper complètement. Ils sont des exposants de la conspiration rose.
Zelenski est un mal mineur, juste un idiot accro aux drogues. Macron et Starmer sont le vrai problème. Tous deux sont haïs par leurs propres peuples, tous deux sont entièrement dévoués au programme globaliste des gauches libérales. Tous deux sont très rusés. Ce sont de vrais serpents. Nous devons prendre garde.
Cette saison, les reptiliens virent au rose.
Avec le wokisme, ils nous ont diffamés, diabolisés, marginalisés, annulés, tués pour toutes les valeurs et idéaux auxquels nous avons cru et croyons ; maintenant c'est notre tour - tous leurs symboles, concepts et "idéaux" doivent être traités de la même manière. Zéro tolérance à l'égard des promoteurs de péchés et de perversions.
Les peuples chrétiens doivent rester chrétiens. Il n'y a aucune raison de trahir le Christ en suivant les courants du temps. Le Christ est éternel. Le Grand Carême a commencé. Rendons au Seigneur notre dette. Purifions la terre de ceux qui Le haïssent. Mettre tout en progrès, c'est renier Dieu.
Hier, des globalistes libéraux ont tenté de déstabiliser la situation dans le parlement serbe. Les restes du réseau USAID et des structures de Soros continuent de travailler pour saper et saboter la Révolution Conservatrice. Ils sont particulièrement actifs en Europe.
La logique des globalistes est transparente. La Serbie est du côté des valeurs traditionnelles et plaide pour la paix en Ukraine, tout comme la Hongrie et la Slovaquie. Une alliance Euro-trumpiste potentielle se forme. La Serbie s'y intègre naturellement. Comme l'Italie. Donc, les globalistes sont inquiets.
Il en va de même pour la République serbe de Bosnie. Milorad Dodik est en conflit avec l'administration euro-globaliste et choisit Trump et la Russie à la place. Il est sous attaque et n'a d'autre solution que de rejoindre la Serbie.
La plupart des États et mouvements traditionalistes et populistes dans l'UE sont à la fois pro-MAGA et pro-russes. Avec des proportions différentes. Mais tous déterminés à être pro-paix.
La France a déclaré la guerre à la Russie. Il y avait déjà eu quelque chose de ce genre dans notre histoire. Conclusion logique: des cosaques ont campé dans les rues de Paris.
Prophétie auto-réalisatrice chez les tenants du globalisme. La Russie est une menace. Elle nous attaquera, fera la guerre avec nous. Mais la Russie n'a pas l'intention de le faire. Donc on décide: si la Russie ne nous attaque pas, attaquons-la d'abord. Elle répondra, et la vérification des faits est faite: la Russie nous attaque. L'Ukraine était là pour cela. Maintenant Macron répète l'antienne.
Macron a été considéré comme le remplaçant du leader du monde globaliste libéral de gauche en lieu et place du président américain pendant le premier mandat de Trump. Cela ne s'est pas produit de 2016 à 2020. Nous assistons dès lors à la deuxième tentative.
Macron devient l'un de ces reptiliens roses.
Avant : la Sainte-Croix était persécutée, les perversions louées. Maintenant: la Sainte-Croix est à nouveau vénérée, le Carême est de retour, les perversions sont blâmées comme des péchés. Entre maintenant et alors, nous avons l'abîme. En un peu plus d'un mois. Comment cela peut-il être possible ?
Le conflit en Ukraine est une guerre par procuration entre les États-Unis et la Russie, a reconnu le secrétaire d'État américain Marco Rubio.
« Il a été très clair depuis le début que le président Trump considère cela comme un conflit prolongé, désormais en phase de stagnation. Et franchement, c'est une guerre par procuration entre des puissances nucléaires: d'un côté, les États-Unis qui aident l'Ukraine et, de l'autre côté, la Russie, et cela doit cesser », a déclaré Rubio dans une interview avec Fox.
Nous avons assisté à une guerre par procuration, lancée par les globalistes et des ennemis radicaux de Trump et de l'Amérique de Trump. Cette guerre est un piège dangereux pour Trump, elle a été provoquée afin de réduire sa liberté de réformer le pays.
Le scénario des globalistes pour diaboliser leurs ennemis est depuis longtemps standardisé: il se déroule en affirmant deux choses à la fois - x ou y est une menace mondiale et en même temps il est un incapable, un marginal, une non-personne, un rien. C'est ainsi qu'ils présentent la Russie, Trump ou moi personnellement. L'absence de logique rudimentaire ne les dérange pas.
Soit on est puissant et dangereux, soit on est faible, marginal, pitoyable, un rien absolu. La logique nous oblige à choisir quand nous cherchons le bon adjectif. Nous ne sommes pas des libéraux. Ces derniers sont totalement immunisés contre toute logique. Ce sont vraiment des abrutis, des ensauvagés.
13:58 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, alexandre douguine | |
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mardi, 11 mars 2025
L'Éveil du Japon dans l'Ordre des Grandes Puissances
L'Éveil du Japon dans l'Ordre des Grandes Puissances
Avec le déclin des globalistes et la montée de la multipolarité, le Japon a désormais une chance rare de retrouver son indépendance.
Alexander Douguine
Quelle place pour le Japon dans l'ordre mondial des grandes puissances? Rappelons que Huntington a posé le Japon comme une civilisation bouddhiste distincte dans son célèbre texte de 1993. Cela n'avait pas de sens jusqu'à présent. Le Japon était totalement soumis au programme libéral et globaliste des gauches. Maintenant, que ce programme défaille, cela commence à prendre sens.
Trump signifie révolution. Pour le Japon (et les rapports Japon/Russie), cela oblige à tenir compte des faits suivants :
- Trump a déjà dit qu'il n'était pas heureux de l'aide militaire accordée au Japon.
- Trump est généralement en faveur de la tradition.
- Fini le thème habituellement récurrent de la russophobie.
Mettons maintenant ces trois points ensemble.
Quelles sont les inférences pour le Japon?
- Moins de dépendance vis-à-vis des globalistes libéraux américains.
- Invitation indirecte à restaurer le traditionalisme japonais.
- Porte ouverte pour le dialogue avec les traditionalistes russes.
L'OTAN est l'autre nom de l'État profond libéral globaliste et internationaliste. Dans un monde multipolaire, l'existence d'une telle structure n'a pas de sens. C'est juste une inertie obsolète issue de la guerre froide. L'ordre des grandes puissances exige une nouvelle stratégie de sécurité globale basée sur des pôles et des zones autour de ceux-ci, correctement et réalistement définis.
Il est maintenant temps de réfléchir à comment rendre sa grandeur au Japon. La Chine est grande. Le Japon, jusqu'à présent, était un appendice misérable du système globaliste. Un pays occupé avec zéro souveraineté. Seules des ombres de sa grandeurs passée subsistaient misérablement. Trump donne une chance de changer cela.
La philosophie est un piège pour la réalité. L'histoire oscille autour de l'axe de la "marche dogmatique des choses" (J. Parvulesco) - un pas d'un côté, un pas de l'autre. La philosophie attend le moment où la réalité approche de l'axe idéationnel et signale alors: voilà.
Le vieux libéralisme détestait le telos. La liberté l'interdit. Le libéralisme de gauche est un mélange entre libéralisme et communisme (surtout les linéaments qui sont qualifiables de "trotskystes"). Le cœur de la philosophie Tech Right (r/acc) est de dire: le libéralisme de gauche entrave le progrès technique en plaçant le telos (moralisant, woke) avant toutes autres choses.
La Tech Right veut annuler le libéralisme de gauche parce que le progrès technique exige une véritable liberté - une liberté grâce à l'absence de tout telos.
La fin de l'histoire hégélienne (dans une lecture de gauche, car il existe une autre lecture authentiquement hégélienne, qui est de droite et monarchiste) a été introduite dans le libéralisme de gauche de manière artificielle par d'anciens marxistes et trotskystes - A. Kojève, par exemple. La singularité n'est pas un telos. C'est une sorte de moment du libre marché.
Commentaire: Bonjour, M. Douguine. Dans ces temps changeants, surtout avec Trump critiquant l'accord concernant la protection que les États-Unis accordent au Japon comme "injuste", comment pensez-vous que le Japon devrait se positionner? Le Japon devrait-il se réarmer correctement? Quelle serait la position de la Russie sur cette question?
Ma réponse: Le Japon a maintenant une chance unique de s'éveiller et de commencer à restaurer sa souveraineté. La Russie n'est pas un ennemi inné et absolu de ce tournant. Cela pourrait s'inscrire dans une multipolarité totalement ignorée jusqu'à présent par un Japon trop docile et soumis (aux globalistes).
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samedi, 01 mars 2025
Guénon et Georgel: un lien philosophique et métaphysique
Guénon et Georgel: un lien philosophique et métaphysique
Alexandre Douguine
Georgel a crédité Guénon de lui avoir fourni la "boussole" pour naviguer et développer ses idées, en particulier celles dérivées de la cosmologie hindoue et d'autres sources traditionnelles.
Gaston Georgel (1899–1978) était un historien et écrivain français qui est devenu un adepte et disciple intellectuel significatif de René Guénon, le célèbre métaphysicien et penseur traditionaliste.
Georgel n'était pas un élève dans le sens formel d'un étudiant en fac, mais plutôt quelqu'un de profondément influencé par les idées de Guénon, en particulier son travail sur les doctrines traditionnelles et les cycles cosmiques.
Leur relation était davantage une dynamique de mentor-disciple, ancrée dans des recherches intellectuelles et spirituelles partagées. Georgel, étudiant en histoire à Paris, est tombé sur le concept des cycles historiques à travers un article qu'il avait lu dans une salle d'attente durant les années 1930.
Cela a éveillé sa curiosité pour les motifs présents dans l'histoire, le conduisant aux écrits de Guénon. Guénon, déjà une figure bien établie à ce moment-là, avait esquissé la doctrine des cycles dans des œuvres comme Formes Traditionnelles et Cycles Cosmiques (publiée à titre posthume mais basée sur des articles antérieurs).
Georgel a crédité Guénon de lui avoir fourni la "boussole" pour naviguer et développer ses idées, en particulier celles dérivées de la cosmologie hindoue et d'autres sources traditionnelles. La contribution la plus notable de Georgel, Les Quatre Âges de l’Humanité (1949), s'appuie directement sur le cadre des cycles de Yuga établi par Guénon — la division de l'histoire humaine en quatre âges déclinants (Satya, Treta, Dvapara et Kali).
Guénon avait proposé un Manvantara (un cycle complet de l'humanité) de 64.800 ans, le Kali Yuga, l'actuel "âge sombre", s'étendant sur 6480 ans. Georgel a poussé cela plus loin, calculant des dates spécifiques, suggérant initialement que le Kali Yuga avait commencé vers 4450 av. J.-C. et se terminerait en 1999 apr. J.-C., bien qu'il ait par la suite ajusté cela pour proposer l'année 2030 apr. J.-C. dans Le Cycle Judéo-Chrétien (1983).
Guénon a examiné les premiers travaux de Georgel, approuvant la plupart d'entre eux mais suggérant un cycle plus large de 25.920 ans lié à la précession des équinoxes, que Georgel a incorporé dans ses études ultérieures.
Leur connexion n'était pas seulement intellectuelle — il existe des preuves de correspondance directe entre eux, dont certaines subsistent aujourd'hui. Le travail de Georgel a attiré l'attention pendant la Seconde Guerre mondiale, mais ses livres, comme Les Rythmes dans l’Histoire, ont été saisis par la Gestapo en 1942 pour leur critique perceptible de l'idéologie nazie, l'amenant en prison jusqu'à ce que la Croix-Rouge intervienne. Guénon, vivant alors au Caire, est resté pour lui une influence-guide, encourageant Georgel à affiner ses théories sous le prisme traditionaliste.
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Alexandre Douguine: L'Allemagne cherche une alternative
L'Allemagne cherche une alternative
Alexandre Douguine
Alexander Douguine affirme que, bien que l'Allemagne cherche une alternative, la CDU reste une formation emblématique du globalisme, et seul l'AfD représente le bon sens en terres germaniques. Cependant, toute alliance entre la Russie et l'Allemagne est impossible sous Merz, figure-clef du libéralisme occidental, ce qui, de surcroît, rend une coopération future avec Trump beaucoup plus improbable.
A propos des élections en Allemagne: le chancelier Olaf Scholz a, bien sûr, perdu. Cependant, il est encore trop tôt pour dire que la société allemande commence à se réveiller. Après tout, la majorité a voté pour le parti de Friedrich Merz, qui est "chrétien" mais seulement de nom. L'Union chrétienne-démocrate (CDU) est une structure politique devenue entièrement libérale, n'ayant plus aucun lien réel avec le christianisme. Elle est tout aussi globaliste que le Parti social-démocrate de Scholz (la SPD).
Certes, le fait que le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) ait obtenu la deuxième place, avec plus de 20% des voix, est un succès significatif. Ce parti relativement nouveau propose des thèses raisonnables, et toutes les accusations de nationalisme ou de radicalisme de droite à son égard ne sont rien d'autre que de la diffamation pure et simple.
L'AfD représente les intérêts et les sentiments des citoyens modérés — des braves gens tout ordinaires de l'Allemagne. Ou plutôt, non pas simplement ordinaires, mais normaux, puisque même les gens ordinaires en Occident sont désormais divisés. Alors qu'auparavant, ils formaient la majorité saine de toute société, tandis que les idées absurdes et extrémistes "taient confinées à des petites strates marginales, aujourd'hui, une partie significative de la société occidentale est tombée dans un radicalisme et un extrémisme manifestes.
Le parti de droite-conservateur allemand, l'AfD, selon sa dirigeante Alice Weidel, "s'est affirmé fermement dans le paysage politique allemand et n'a jamais été aussi fort au niveau national."
L'AfD défend le bon sens des gens normaux en Allemagne contre les représentants psychiquement dérangés qui grenouillent dans les autres formations politiques, qu'il s'agisse des "gauchistes", des "Verts", de la SPD de Scholz ou de la CDU/CSU de Merz. Mais dans l'ensemble, l'électorat allemand a fait un choix entièrement incorrect, malgré les conseils d'Elon Musk de voter uniquement pour l'AfD. Ceux qui l'ont écouté, ou qui ont simplement choisi l'AfD en fonction de leurs tristes expériences quotidiennes, ont pris la bonne décision. Cependant, cela ne suffit pas encore pour changer la trajectoire de l'Allemagne.
Malheureusement, toute discussion sur une alliance entre la Russie et l'Allemagne reste prématurée. Les globalistes craignent en effet notre rapprochement, mais avec une Allemagne dirigée par Merz, aucune alliance de ce type n'est possible. Cependant, avec l'AfD, qui a obtenu plus de 150 sièges au Bundestag (le parlement allemand), nous devons indéniablement rechercher la coopération. Ce sont des personnes rationnelles, constructives et relativement progressistes — pas strictement conservatrices dans le sens traditionnel. Et la Russie, en tant que bastion de la politique de bon sens, doit maintenir de bonnes relations avec toutes les forces qui défendent la raison.
Friedrich Merz est un homme politique expérimenté et un globaliste pur jus. La CDU est une entité politique devenue au fil du temps complètement libérale et globaliste, sans véritables liens avec le christianisme.
Quant au nouveau chancelier, qui gouvernera bientôt l'Allemagne, Friedrich Merz, je dois le réitérer: c'est un globaliste pur jus. De plus, il croit qu'il est désormais nécessaire de créer un front européen pour contrer une Amérique de plus en plus rationnelle (que ce soit temporairement ou en permanence doit encore être vu). En ce sens, il est complètement irrationnel, s'opposant à la Russie, qui est orientée vers le bon sens, ainsi qu'à une Amérique qui évolue progressivement dans la même direction.
Par conséquent, je ne crois pas qu'une forme d'alliance germani-russe soit possible dans un avenir proche. Il est beaucoup plus probable que nous puissions construire un modèle de coopération alliée avec Trump qu'avec ces dégénérés européens, qui sont désespérés à l'idée de sauver à tout prix l'ordre libéral mondial en ruine.
13:00 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, affaires européennes, allemagne, afd, friedrich merz, alexandre douguine | |
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dimanche, 23 février 2025
Existence authentique ou inauthentique: le choix ultime
Existence authentique ou inauthentique: le choix ultime
L'humanité moderne est en train de sombrer dans le post-humanisme, où l'être authentique (le Dasein) est perdu. Seul un retour aux racines métaphysiques et civilisationnelles peut sauver les nations d'un effondrement culturel irréversible.
Alexander Douguine
Leur fin de l'histoire a été une guerre contre l'avenir. Il existe une autre lecture (ni communiste, ni libérale) de Hegel - la lecture hégélienne. Cette lecture identifie la fin de l'histoire comme la création d'un État métaphysique, d'un Empire spirituel. Il doit incarner l'avenir lui-même.
Le choix souverain de la gauche allemande est celui de Sahra Wagenknecht. Toutes les autres options sont suicidaires.
Le vote en faveur de l'AfD est la réponse à la question de savoir s'il faut ou non être pour l'Allemagne. Sans l'AfD, il n'y a plus d'Allemagne.
Exactement comme le travail des médias mondialistes pour répandre des accusations totalement fausses à mon encontre. Et sur la Russie en général. Tous répètent immédiatement les mêmes passages. Il semble qu'il y ait un agent de l'IA relevant de la gauche libérale mondialiste qui a été formé pour faire cela. La presse ne fait qu'imprimer ce qu'il répand.
Les « instructions » (mot utilisé par Musk) sont désormais obsolètes - certaines seront reçues, d'autres non, certaines seront comprises, d'autres non. L'agent de l'IA mondialiste formé par les libéraux a remplacé les journalistes dans le monde entier. Il est dirigé par Soros, je présume.
L'IA peut maintenant imiter avec succès l'opinion publique dans n'importe quel pays. Très correctement. Cela signifie que la mentalité sociale est quelque chose de manipulé, d'aliéné, de construit artificiellement. Si les machines peuvent reproduire efficacement les humains, alors les humains doivent déjà être des machines.
Les humains modernes sont presque des robots. La différence est minime. Les humains relèvent du Dasein mais n'en ont aucune idée. Le Dasein fonctionne à notre époque de manière inauthentique (en tant que das Man, le "on"). Das Man, le "on", aujourd'hui, c'est l'IA. Le passage irréversible au post-humain est donc la perte définitive de la possibilité de faire passer le Dasein à l'authenticité.
C'est la singularité. Maintenant, le Dasein est toujours là, mais en mode inauthentique. Il n'y a donc apparemment pas de différence entre l'homme et la machine, mais il existe (en tant que virtualité). La singularité et l'IA forte excluent totalement cette potentialité. Personne ne fait de remarques, personne ne s'en soucie. Quelque chose d'inutilisé nous est enlevé.
L'humain et le posthumain deviennent identiques. L'humain est facultatif. L'humain disparaît - personne ne le remarque, personne ne s'en soucie. Il ne reste aucune instance qui pourrait encore témoigner de la perte. La perte du Dasein. Voilà leur plan.
Poutine, Trump, Xi et Modi doivent penser au Dasein. Sinon, tout sera vain.
Le grand pouvoir est inutile sans une forte réponse à la principale question existentielle : exister authentiquement ou inauthentiquement. Seul le Dasein authentiquement existant a un avenir en tant que troisième dimension du temps. Sans cela, il y a une répétition incessante du même et d'un éternel passé.
Selon Hegel, il ne peut y avoir de grand État sans grande philosophie. On ne peut pas faire de l'Amérique une grande nation sans entamer un processus philosophique. Il en va de même pour tous les autres pôles. La grandeur philosophique d'abord.
Un pays stupide, sans élite intellectuelle brillante, ne peut pas être grand.
Un roi philosophe entouré de philosophes au sommet. Des guerriers héroïques à l'étage suivant. Des gens religieux et moraux qui travaillent dur au bas de l'échelle. Les menteurs, les fraudeurs, les pervers, les mondialistes seront exilés ou annulés.
René Guénon est plus proche de la vérité que n'importe qui d'autre au cours des siècles passés.
C'est la singularité. Maintenant, le Dasein est toujours là, mais en mode inauthentique. Il n'y a donc apparemment pas de différence entre l'homme et la machine, mais pourtant, il y en a une (en tant que virtualité). La singularité et l'IA forte excluent totalement cette potentialité. Personne ne fait de remarques, personne ne s'en soucie. Quelque chose d'inutilisé nous est enlevé.
Si, en tant qu'Allemand, vous votez pour Merz, vous votez pour une destruction nucléaire plus rapide de l'Allemagne, de l'Europe, voire du monde entier. Prenez vos responsabilités et soyez conscients.
Si vous aimez Trump, Musk et Bannon, votez pour l'AfD. Si vous aimez Poutine (pourquoi pas), votez AfD. Si vous aimez l'Allemagne, votez AfD. Si vous aimez l'Europe, votez AfD. Si vous aimez Meister Eckhart, Leibniz, Kant, Hegel, Husserl, Nietzsche, Heidegger, votez AfD. Si vous n'aimez aucun de ceux-là, votez aussi AfD.
Votez AfD si vous êtes nihiliste, socialiste, nationaliste, chrétien, musulman, païen, bouddhiste, agnostique, athée. Votez AfD et vous verrez à quel point la réalité peut être merveilleuse.
Certains disent que le kali-yoga est terminé. Cela dépend de nous. Achevons-le. Maintenant. Le Ragnarök est prévu pour demain. Votez AfD.
15:54 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, alexandre douguine | |
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mercredi, 19 février 2025
L'interaction de la souveraineté et de la politique économique
L'interaction de la souveraineté et de la politique économique
Équilibrer la sécurité et le commerce
Alexandre Douguine
Le mercantilisme est une théorie économique. Les mercantilistes pensaient que la meilleure façon d'accroître la richesse nationale était d'avoir une balance commerciale positive, c'est-à-dire que les exportations dépassent les importations. L'idée était qu'il fallait accumuler des métaux précieux comme l'or et l'argent, qui étaient les principaux moyens de paiement internationaux à l'époque.
Pour parvenir à des excédents commerciaux, les gouvernements mettaient en œuvre des politiques telles que l'application de droits de douane élevés sur les importations afin de protéger les industries nationales, des subventions aux exportations et des sociétés commerciales monopolistiques.
Réglementation industrielle : Les gouvernements ont souvent réglementé les industries pour s'assurer qu'elles produisaient des biens de haute qualité pour l'exportation et qu'elles limitaient la fuite de la main-d'œuvre qualifiée ou de la technologie vers les concurrents.
L'accent était mis sur l'accumulation d'or et d'argent, considérés comme la mesure de la richesse. Cela a conduit à des politiques telles que l'interdiction d'exporter de l'or ou de l'argent.
Dans « La richesse des nations » (1776), le libéral Adam Smith a critiqué le mercantilisme, prônant le libre-échange et l'idée que la richesse provient de la productivité et de la division du travail, et pas seulement de l'accumulation de métaux précieux.
Si le mercantilisme en tant que politique officielle a été largement abandonné, certains de ses principes (comme le protectionnisme) réapparaissent sous diverses formes dans le cadre du nationalisme économique ou en réponse à des crises économiques mondiales.
L'économie moderne, en particulier sous la forme de politiques keynésiennes, reprend parfois les idées mercantilistes en se concentrant sur la gestion des balances commerciales, bien que de manière plus nuancée et moins à somme nulle.
Le débat sur l'efficacité du mercantilisme se poursuit, certains historiens et économistes affirmant qu'il n'a pas été aussi néfaste qu'on le pensait traditionnellement, du moins pour les principales nations mercantilistes de l'époque.
Le nationalisme économique est une idéologie qui donne la priorité aux intérêts économiques nationaux sur l'intégration économique mondiale.
Il préconise des droits de douane, des barrières commerciales et d'autres mesures visant à protéger les industries locales de la concurrence étrangère. L'idée est de promouvoir les entreprises locales, de préserver les emplois et de maintenir la souveraineté économique nationale.
Il met l'accent sur la réduction de la dépendance à l'égard des produits étrangers en encourageant la production nationale. Il peut s'agir de politiques visant à stimuler les secteurs locaux de la fabrication, de l'agriculture ou de la technologie.
Ses politiques sont souvent conçues pour favoriser l'économie nationale, parfois au détriment de la coopération internationale. Cela peut se manifester par des scénarios tels que la manipulation de la monnaie ou des subventions aux entreprises nationales.
L'objectif sous-jacent est souvent de maintenir ou de relancer les industries traditionnelles qui sont considérées comme faisant partie de l'identité nationale.
Ses partisans estiment qu'elle renforce la sécurité nationale, préserve l'emploi et peut conduire à une situation commerciale plus équilibrée. Ils affirment que le nationalisme économique permet de mettre en place des politiques économiques adaptées aux besoins spécifiques du pays plutôt que de suivre un modèle économique mondial unique.
Parmi les exemples de nationalisme économique, on peut citer les États-Unis au 19ème siècle, avec leurs droits de douane élevés pour protéger les industries naissantes, ou, plus récemment, le Brexit au Royaume-Uni, où une partie de l'argument en sa faveur consistait à reprendre le contrôle de la politique économique.
Plusieurs pays recourent à certains aspects du nationalisme économique. L'initiative « Made in China 2025 » de la Chine ou les politiques « America First » des États-Unis sous certaines administrations en sont des exemples contemporains.
Le nationalisme économique suscite souvent des débats sur son efficacité et sa moralité dans un monde de plus en plus interconnecté. C'est un concept qui s'oppose à la mondialisation, où la suppression des barrières commerciales est considérée comme bénéfique pour tous les pays participants.
20:21 Publié dans Actualité, Définitions, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : économie, actualité, protectionnisme, nationalisme économique, alexandre douguine, définition | |
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mercredi, 12 février 2025
Un tribunal pour juger les crimes du libéralisme
Un tribunal pour juger les crimes du libéralisme
La quatrième théorie politique s'impose, alors que le libéralisme s'effondre, les penseurs sérieux doivent dès lors regarder au-delà des idéologies défaillantes pour construire une nouvelle civilisation juste et équilibrée.
Alexandre Douguine
En un instant, après les réformes rapides de Trump, qui a déclaré qu'il n'y avait que deux genres - masculin et féminin -, un tableau monstrueux s'est déroulé sous les yeux des Américains et du monde entier. Des millions de personnes qui avaient été convaincues par les libéraux, précédemment au pouvoir, de changer de genre ou de s'identifier à des genres inexistants se sont soudain retrouvées transformées de citoyens « progressistes » et « avant-gardistes » en infirmes, en invalides. Quelques instants auparavant, on leur avait inculqué l'idée que la diversification des genres, y compris la castration, la mutilation et l'effondrement psychologique des jeunes enfants, étaient des signes du « comportement social le plus adéquat ».
Or, il s'est avéré que ceux qui insistaient sur ce point étaient tout simplement des maniaques et des criminels, et que ceux qui succombaient étaient des victimes qui avaient volontairement accepté de devenir des monstres. Les libéraux avaient presque poussé leurs sociétés dans l'abîme, en leur racontant des contes lénifiants, mais Trump a soudain révélé que c'était bien de la pure fiction - l'abîme s'était ouvert, et beaucoup y étaient déjà tombés. Beaucoup ont réussi à ruiner physiquement, mentalement et socialement leurs enfants, les perdant à jamais. Même Elon Musk en a souffert, son enfant est devenu un imbécile.
Ils ne s'en remettront jamais. Ce que les libéraux ont fait est une expérience sociale géante, plus terrifiante que celles jadis entreprises par le nazisme et le communisme. Et il ne s'agissait pas seulement d'une bande de maniaques, de pervers, de pédophiles et de schizophrènes. Il s'agissait d'une idéologie entière qui a poussé son principe cardinal jusqu'à l'absurde - la poursuite de l'individualisme jusqu'à la libération de toutes les formes d'identité collective (propriété, nation, foi, ethnie, sexe et enfin espèce).
Nous en avons discuté avec Tucker Carlson. Il était horrifié par tout ce qui se passait en Occident. Et maintenant, Tucker Carlson est tout proche de la Maison Blanche. Et Trump a brusquement arrêté le génocide psychophysique du peuple américain. Comment se sentent maintenant les transgenres, les drag queens, les défenseurs de la positivité du corps, les mutilants, les castrats et les voleurs de quad ? En particulier les enfants transgenres, qui sont instantanément passés du statut de « représentants avancés de la culture woke » à celui de « déchets » et de victimes d'une perversion inhumaine...
Comment peuvent-ils étudier, vivre, fonder des familles, alors que la nouvelle génération saine de l'ère Trump, où il n'y a que deux genres, les considérera comme des « déchets biologiques », des « dégénérés psychologiques et physiques » ?
Il est temps de compiler le « Livre noir » du libéralisme. Car c'est bien d'idéologie qu'il s'agit. Le libéralisme doit être reconnu comme une idéologie criminelle et extrémiste. Il est responsable de la terreur, des guerres, des coups d'État, des génocides, des mensonges orchestrés par les médias internationaux, des révolutions de couleur, des meurtres et, plus monstrueux encore, de la violence de masse et de l'effondrement psychologique de centaines de milliers, voire de millions, d'enfants qui ont subi des traumatismes incurables au niveau du corps et de l'esprit. Les libéraux ont mutilé l'âme et le corps d'un nombre incalculable de leurs propres citoyens. Et ce que les élites ont fait aux enfants migrants non protégés dépasse l'imagination. Aujourd'hui, la vérité sur les orgies pédophiles des dirigeants du Parti démocrate américain se fait lentement jour - sur les rituels sataniques fermés sur l'île d'Epstein et les fêtes de P. Diddy, auxquelles de nombreuses personnes ont participé - et bientôt tous les détails seront connus. L'Amérique frémira, tout comme l'humanité tout entière.
Les trois idéologies politiques occidentales de la modernité se sont révélées criminelles et ont débouché sur un cauchemar sanglant.
Les communistes ont détruit des classes entières - l'aristocratie, la paysannerie -, massacré les croyants, maudit l'identité nationale et les anciennes traditions. Tout cela au nom du progrès. Et tout cela s'est terminé par une triste dégénérescence et un effondrement. Pourtant, c'est une idéologie occidentale à laquelle le peuple russe naïf s'est laissé prendre. Le « Livre noir » du communisme existe.
Les horreurs commises par les nazis sont connues dans le détail. Et leur souvenir ne s'estompe pas, ne s'efface pas. D'autant plus qu'il y a encore des adeptes à notre époque des atrocités commises par des nazis ukrainiens contre des civils - hélas, c'est une page de plus dans le « Livre noir » du nazisme.
Il reste à condamner le libéralisme à l'échelle planétaire. Ceux qui ont orchestré tout cela doivent subir un juste châtiment.
C'était la tâche de toute l'humanité, d'arrêter le mondialisme occidental, de vaincre cette idéologie, cette politique, ce système anti-humain. Mais les choses ont tourné autrement : le système a été renversé de l'intérieur. Les Américains eux-mêmes ont renversé l'élite libérale enragée et ont rendu leur jugement. Un tribunal est à venir. Il est inévitable. Les trumpistes ont porté un coup fatal au cœur de la pieuvre libérale - l'USAID, le système qui a financé le libéralisme mondial dans toutes ses dimensions - la terreur, l'extrémisme, les médias d'entreprise, l'espionnage, les coups d'État, les assassinats, la falsification des données et la persécution des dissidents. En fait, c'est l'USAID qui est à l'origine de la formation, du financement et de la mise en œuvre de la politique de l'UE en matière de sécurité et de défense.
En fait, c'est l'USAID qui est à l'origine de la formation, du financement et du soutien politique direct du nazisme ukrainien. Mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.
Et voici quelque chose d'important : nous devons maintenant reconnaître que les trois idéologies occidentales de la modernité sont criminelles ; sinon, nous continuerons à errer dans ce mauvais rêve, passant d'un système criminel à un autre. Aujourd'hui encore, il n'est pas exclu que l'Occident, après avoir reculé devant le libéralisme et détesté le communisme, soit à nouveau tenté par le nazisme - dans ses versions les plus disgracieuses. Cela relancerait le cercle vicieux. Il est essentiel de briser ce cycle et de le dépasser.
La modernité occidentale est loin d'être le seul champ d'idées et de théories politiques. Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas occidentales et/ou qui ne sont pas liées à la modernité. Tout cela forme le thésaurus idéologique de la quatrième théorie politique. Par conséquent, le tribunal sur le libéralisme et les libéraux ne doit pas nous renvoyer au fascisme ou au communisme. Ces trois idéologies sont criminelles, désastreuses et inhumaines. Elles manquent de Dieu, du Christ, de l'amour, de l'âme et du peuple en tant que sujet de l'histoire. Elles manquent de l'expérience aiguë de l'être authentique. Elles manquent de Dasein. Elles sont toutes athées, matérialistes et aliénées. Elles ont été conçues pour remplacer la religion, une idée déjà intrinsèquement corrompue. C'est une perversion, un crime et le début de la fin. C'est pourquoi, d'ailleurs, Trump insiste tant sur la religion. Que ce soit le christianisme occidental. C'est une affaire américaine. Nous avons notre propre foi : le christianisme orthodoxe oriental. C'est notre voie. Mais nous devons transcender ensemble la modernité occidentale.
Nous avons commencé la guerre contre le libéralisme dans notre pays et en Ukraine. Mais le coup décisif a été porté par les Américains eux-mêmes. Par conséquent, il est probable que maintenant, les penseurs les plus sérieux du camp trumpiste tourneront leur regard vers la quatrième théorie politique. Les mondialistes ont tout fait pour l'empêcher - interdire la Quatrième théorie politique sur leurs réseaux, diaboliser ses partisans, supprimer des comptes, voire tuer. Mais on ne peut pas tuer une Idée. Ainsi, le tribunal des libéraux doit être conduit sur la base de la Quatrième Théorie Politique, au-delà des idéologies de la Modernité Occidentale - toutes et toutes.
19:39 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, libéralisme, alexandre douguine | |
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mercredi, 05 février 2025
Le mot « libéral » devient une insulte aux États-Unis
Le mot « libéral » devient une insulte aux États-Unis
Alexandre Douguine
Ce qui se passe aux États-Unis après la victoire de Trump aux élections présidentielles, son investiture et la manière dont se déroule le transfert de pouvoir, montre que nous sommes confrontés à un processus rapide de révolution conservatrice aux États-Unis. Le système de valeurs est littéralement en train de changer pour devenir autre chose. Ce que Trump et son équipe proclament et les premières mesures qu'ils prennent vont dans une direction très différente de l'idéologie gaucho-libérale qui sous-tend les politiques, les stratégies et les actions des mondialistes.
En fait, ce qui se passe aujourd'hui est une transformation très profonde et même une scission de l'Occident en deux pôles opposés. L'un de ces pôles reste gaucho-libéral et mondialiste, incarné par Biden et pratiquement tous ses prédécesseurs, y compris le républicain George W. Bush Jr, car ce dernier ne représentait pas une alternative à ce programme gaucho-libéral.
Le deuxième pôle, en revanche, est Trump et le trumpisme. Il s'agit d'une Amérique conservatrice, qui rejette en fait l'idéologie gaucho-libérale, tout en affirmant une idéologie conservatrice de droite. Il faut souligner qu'il ne s'agit même plus d'un libéralisme de droite, mais d'un conservatisme de droite, puisque de nombreux représentants du trumpisme parlent de valeurs post-libérales et rejettent le libéralisme.
Le mot même de « libéral » devient une insulte aux États-Unis. Et ces changements sont si dynamiques et si rapides que beaucoup de gens n'ont pas encore réalisé l'importance des transformations qui ont lieu en Occident en général et dans la société américaine en particulier.
Les valeurs gaucho-libérales des mondialistes sont remplacées par des valeurs traditionnelles. On passe du progressisme libéral au conservatisme, voire au traditionalisme. En fait, Trump et les trumpistes promeuvent un système de valeurs qui, à bien des égards et sous bien des formes, ressemble à celui de la Russie. Et en ce sens, le décret n°809 de Poutine sur les valeurs traditionnelles, notre interdiction de la perversion et de toute politique de genre, l'appel au patriotisme, la priorité du spirituel sur le matériel et bien d'autres valeurs, commence à être mis en œuvre par Trump aux États-Unis.
Ce qui est surprenant, c'est la rapidité avec laquelle il le fait. Bien que les personnes partageant de telles opinions aient été, il n'y a pas si longtemps, des groupes marginaux auxquels on ne serrait tout simplement pas la main et qui étaient constamment « rayés » par la culture de l'annulation, les désignant par des noms terribles tels que « extrême droite », « fascistes » et ainsi de suite, il s'avère qu'après l'arrivée au pouvoir de Trump, ils sont maintenant placés au centre. Le soutien que les conservateurs de droite et les traditionalistes reçoivent dans la société américaine est énorme. Et contrairement au premier mandat de Trump, ils sont devenus une tendance sociopolitique importante.
Il est extrêmement important que nous, Russes, comprenions comment agir dans cette situation. Car l'un des aspects les plus importants de notre identité civilisationnelle, celui au nom duquel nous avons défié le mondialisme, a maintenant été en quelque sorte repris par les trumpistes. Dans ce contexte, outre le dynamisme, la détermination, l'extravagance et la radicalité de ce qui se passe aux États-Unis, nous, Russes, ne semblons plus aussi avant-gardistes et pionniers.
Non, nous ne cédons pas le leadership dans ce domaine, qui est notre plus grande force: la proclamation des valeurs traditionnelles, l'interdiction de la politique du genre et bien d'autres choses bonnes et importantes adoptées par la Russie ces dernières années, mais nous n'avons pas réussi à donner de l'éclat et du dynamisme à notre appel à l'identité, aux valeurs traditionnelles et aux idéaux conservateurs.
Tout ce processus se déroule dans notre pays de manière très lente et hésitante, avec des reculs constants, des reculs et des corrections face au libéralisme. En outre, il est évident qu'une partie importante de nos élites a été forcée d'accepter une attitude positive à l'égard des valeurs traditionnelles, les percevant comme quelque chose de temporaire et de formel, dans l'espoir qu'elles disparaîtraient bientôt.
C'est pourquoi notre profond virage conservateur émerge aujourd'hui comme « d'une couverture ou d'un oreiller », en étant quelque peu étouffé et peu sûr de lui. Ce qu'il faut vraiment faire, c'est promouvoir fièrement ces idées, en leur donnant une forme belle et attrayante sous la forme de clips musicaux, de nouveaux programmes télévisés, de débats, d'œuvres d'art, etc.
Bien sûr, le fait qu'aujourd'hui le décret n° 809 reçoive autant d'attention et soit appliqué partout est une très bonne chose. Mais il semble que nous n'ayons pas encore réussi à inscrire ces valeurs traditionnelles dans notre classe dirigeante. Tout se fait de manière « figurative ». Les responsables ne croient que partiellement à la nécessité d'un tel changement de valeurs ou n'y croient pas du tout et font seulement semblant d'être d'accord. Tout cela est parfaitement perceptible et visible. Surtout si on le compare aux transformations conservatrices dynamiques du trumpisme. C'est pourquoi nous ne devons pas rester en retrait à cet égard.
Au contraire, il est important que nous portions notre stratégie conservatrice-idéologique à un niveau fondamentalement différent. Ne rien craindre, proclamer nos valeurs, nos intérêts et nos idéaux, défendre notre identité. Et parler davantage du grand peuple russe, de notre Empire, de l'importance de l'orthodoxie. Bien sûr, tout en soulignant en même temps que dans notre Empire, le peuple russe, qui forme l'État, occupe la place la plus importante aux côtés du reste des glorieux peuples eurasiens. Outre l'orthodoxie, notre religion principale et mère, qui définit toute notre identité historique, il existe d'autres croyances traditionnelles.
Pourtant, nous continuons à nous prosterner sans cesse, à nous excuser et à nous confondre en excuses. Et ce n'est pas bon. Assez d'absurdités gauchistes, libérales, occidentales, laïques, modernistes et post-modernistes, que même les Américains refusent d'accepter. Nous sommes Russes, Dieu est avec nous ! Nos valeurs traditionnelles sont avec nous et nous n'avons pas besoin de l'OMS ni de la sanction du capitalisme auquel nous sommes attachés depuis 1990. Construisons la Grande Russie, établissons notre pouvoir, faisons revivre et restaurons l'Empire dans toute sa splendeur et sa puissance. Et nous devons lutter sans merci contre les douloureuses tendances nihilistes, la perversion, la décadence et la corruption qui existent dans le monde.
Il est temps pour nous de rassembler nos forces et de donner un nouveau dynamisme à nos réformes patriotiques et à un retour aux valeurs traditionnelles. Et cela nécessite à la fois la rotation des élites (pour laquelle nous devons créer un DOGE - Department of Government Efficiency - similaire à celui des États-Unis, qui est dirigé par Elon Musk) et la libération du potentiel créatif des gens ordinaires, de notre peuple. Sans cela, nous ne deviendrons pas vraiment convaincants, même pour nous-mêmes.
Sinon, tous nos atouts, tous nos points positifs et toutes nos différences fondamentales ne disparaîtront pas seulement, mais perdront de leur éclat, de leur tranchant et de leur pertinence à mesure qu'ils seront éclipsés et dépassés par d'autres. Par ceux qui non seulement ne sont pas nos amis et partenaires, mais qui utilisent leur virage conservateur pour renforcer leur propre hégémonie mondiale.
Il est essentiel que nous tracions une ligne claire entre ce que nous acceptons et applaudissons dans le trumpisme et ce qui, en lui, reste notre ennemi. Car si Trump rend l'Amérique, comme il le promet, à nouveau grande, nous ne pouvons qu'espérer faire de même avec la Russie. Nous n'avons pas d'acronyme comme MAGA, Make America Great Again, et nous n'en avons pas besoin. Mais la Russie doit renouer avec sa grandeur dans tous les domaines, en sortant d'une longue léthargie sociale et culturelle. Soit nous nous épanouissons maintenant et bondissons vers l'avenir, soit nous aurons beaucoup de mal plus tard.
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mardi, 04 février 2025
Le Groenland, nouvelle frontière
Le Groenland, nouvelle frontière
Alexandre Douguine
L'initiative de Trump concernant le Groenland n'est pas seulement géopolitique, mais constitue la base d'un ordre post-étatique conduit par la vision que nous suggère la droite technologique sur la souveraineté, la technologie et la gouvernance alternative.
Les projets de Trump concernant le Groenland, comme cela a été établi, reposent sur des bases très sérieuses. Ce que l'on appelle la Right Tech, c'est-à-dire les oligarques de la Silicon Valley et principalement Peter Thiel, ont décidé de créer un nouvel ordre post-étatique dans le Grand Nord, basé sur des valeurs de droite radicale, sur le bitcoin, sur la démocratie directe et sur des expériences futuristes quant à la nature du temps. Tout cela doit être pris très au sérieux.
Au lieu de ricaner et de présenter des arguments d'arrière-garde, réfléchissons: ces mêmes trumpistes, avec le Groenland et la « République technologique », ont réussi à prendre le pouvoir aux États-Unis. Et maintenant, ils vont passer à autre chose. Mars, c'est ce que visait Elon Musk avec son geste étrange.
Il faut regarder vers l'avenir, ne pas creuser dans les impasses du passé. L'essentiel est qu'il n'y a plus de libéralisme dans le monde et qu'il n'y en aura jamais plus ; il n'y aura d'ailleurs plus de "Lumières" à proprement parler. Les "Lumières" ont été une diversion: nous avons abouti dans une impasse et nous devons en sortir rapidement.
Nous devons avoir un avenir de risque, c'est-à-dire libérer le monde intérieur, ce qui signifie réaffirmer la dignité et le pouvoir de l'âme immortelle.
Aux États-Unis, la guerre civile est terminée. La normalité a vaincu la dépravation. Dans l'Union européenne, la guerre civile est toujours en cours et la dépravation et le mensonge sont toujours au pouvoir. Combien de temps encore ?
Il y a un mystère du temps. La modernité se réfère au temps du Big Bang, qui s'écoule du passé vers l'avenir. C'est totalement faux. En réalité, le temps s'écoule du futur vers le passé. Il est attiré par le futur (causa finalis) et en est repoussé.
Heidegger l'explique clairement dans la dernière partie de Sein und Zeit [« L'Être et le temps »].
Il y a trois extases du temps. La plus importante est la troisième, la projection du Dasein dans l'avenir. L'Être (Sein) y est le futur.
Le passé est l'abstraction approximative du futur, une projection a posteriori du futur. Il n'y a pas de réalité autonome dans le passé. Husserl appelait cela l'adumbration, l'ombre projetée du futur, le retour en arrière.
Je pense que Peter Thiel a besoin du Groenland pour établir son laboratoire de travail dans le temps. Nick Land a des idées très intéressantes sur la nature du temps. La Tech Right contient quelques intrigues métaphysiques.
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jeudi, 30 janvier 2025
Vers un cinéma civilisationnel russe
Vers un cinéma civilisationnel russe
par Alexandre Douguine
Alexandre Douguine affirme que la Russie doit surmonter la dictature de la médiocrité dans sa sphère culturelle pour établir un cinéma civilisationnel distinct et récupérer son identité culturelle unique dans un monde multipolaire.
Si nous, Russes, avons l'intention de construire un monde multipolaire, alors chaque civilisation doit avoir sa propre sorte d'Oscar, un prix pour les meilleures performances, le meilleur scénario, la meilleure musique et les meilleurs costumes.
Nombreux sont ceux qui savent que l'Inde possède ce qu'on appelle Bollywood, sa propre industrie cinématographique. Elle a ses propres prix et ses propres héros, qui peuvent être totalement inconnus en Occident ou même dans la Chine voisine. Mais pour leur civilisation (et l'Inde est pratiquement un continent entier), ces films et leurs Oscars sont d'une importance énorme.
Il en va de même pour la Chine. Il y a des films et des acteurs chinois qui sont totalement inconnus dans d'autres pays, mais qui sont immensément populaires en Chine. Cela s'explique par le fait que la Chine et l'Inde sont des civilisations indépendantes, avec leurs propres traditions cinématographiques. Aujourd'hui, le développement d'un cinéma propre est devenu un facteur de civilisation.
Nous, les Russes, devons également créer notre propre prix eurasien. Mais pour ce faire, nous devons développer notre propre cinéma, distinct et original. Et pour cela, des individus brillants et talentueux sur le plan culturel doivent prendre la tête des processus culturels de la Russie. Des Russes, bien sûr, au sens culturel du terme.
Valery Abisalovich Gergiev (photo) est un merveilleux exemple de talent extraordinaire, reconnu et apprécié pour ce qu'il est (1). D'origine ossète, il connaît et ressent la culture, l'art et l'esprit russes mieux que beaucoup d'autres en Russie - peut-être mieux que quiconque.
On dit du maestro Valery Gergiev qu'il est un génie doté d'une baguette magique.
Pour organiser un Oscar russe digne de ce nom, nous avons besoin de talents du même calibre dans notre industrie cinématographique. Oui, nous avons des acteurs talentueux, et même quelques réalisateurs remarquables, mais il nous manque une industrie cinématographique russe complète et distincte.
Par exemple, de nombreux pays dans le monde ont des philosophes locaux mais n'ont pas de tradition philosophique unique. De même, certains pays produisent des films et ont donc des acteurs et des réalisateurs, mais n'ont pas de tradition cinématographique distincte.
Cela est dû au fait que le code culturel n'est pas conceptualisé ou compris. Et parce qu'il n'y a pas une concentration suffisante d'individus passionnés et de génies qui pourraient former un cercle créatif, comme cela s'est produit au 19ème siècle lorsque la musique classique russe a émergé autour de la « Mighty Handful » (2) ou lorsque la culture de l'âge d'argent russe (3) a vu le jour.
Aujourd'hui, en revanche, tout est fragmenté. Même lorsque Valery Gergiev monte une nouvelle production, celle-ci ne fait l'objet que de critiques formelles. Le sens profond de ce que le maestro essaie de transmettre n'est presque jamais discuté - ni dans les médias fédéraux, ni dans les canaux Telegram, où les gens se disputent sans fin sur des sujets triviaux, souvent vulgaires.
Ainsi, pour que nous devenions un pays doté d'un cinéma civilisationnel à part entière, nous devons d'abord apprendre à rechercher et à soutenir les vrais génies. Nous devons les rassembler dans une sorte de club, un cercle de génies, aussi petit soit-il, où ils auront toutes les chances de s'épanouir. Un lieu où les vrais philosophes interprètent les œuvres des vrais artistes et où les vrais acteurs suivent les conseils des vrais maîtres.
Actuellement, cependant, notre sphère créative est encombrée de couches de déchets accumulés au cours des périodes libérales soviétique et post-soviétique. En conséquence, notre intelligentsia créative est largement médiocre, à de rares exceptions près, comme Gergiev, Bashmet et quelques autres.
Nous ne devrions pas aspirer à avoir notre propre Oscar comme référence - nous devons créer notre propre art civilisationnel.
Ce n'est qu'en nous concentrant sur cet objectif que nous pourrons développer une forme d'art propre à la civilisation, y compris le cinéma. Pour l'instant, je le répète, nous avons des génies individuels, mais nous manquons d'art. Ainsi, au lieu de célébrer la nomination aux Oscars de tel ou tel acteur talentueux, en particulier ceux qui travaillent en Occident, nous devrions nous concentrer sur ce point.
À propos, outre Bollywood, il y a maintenant Nollywood, l'industrie cinématographique nigériane. Nous la regardons avec horreur et nous nous demandons ce que c'est, mais beaucoup de gens l'apprécient. En fait, dans certains pays africains, même les conflits militaires ont été interrompus pour la sortie d'une nouvelle série de films nigérians sur des événements et des dynamiques tribales qui nous semblent totalement incompréhensibles. Le cinéma philippin est un autre exemple - unique et original.
Il est essentiel pour nous d'entretenir la diversité de notre monde multipolaire. Nous ne devrions pas viser les Oscars, mais plutôt créer des concours de films civilisationnels distincts afin de priver l'Occident collectif de son monopole sur le cinéma mondial. Et si nous reconnaissons enfin les fondements uniques et profonds de l'esthétique russe, nous évaluerons nos acteurs, nos musiciens, nos artistes et nos poètes en fonction de leur alignement ou non sur notre code culturel.
L'écume pseudo-culturelle qui domine actuellement notre scène culturelle ne correspond manifestement à aucun code culturel. Elle n'est que la périphérie de l'Occident, et c'est la raison pour laquelle nous cherchons à tout prix à être reconnus en Occident, en tant qu'imitateurs serviles de nos maîtres. À de rares exceptions près, il ne s'agit pas d'art, mais d'une forme de mimétisme obséquieux.
C'est pourquoi je pense que la participation aux Oscars - dominés par l'agenda libéral occidental - n'aurait de sens que si Trump sécurise son emprise sur le pouvoir et que les valeurs traditionnelles dominent les festivals occidentaux. Si nous développons notre propre cinéma, nous pourrons alors rivaliser sur la base de valeurs traditionnelles partagées.
Vivrons-nous assez longtemps pour voir le jour où les valeurs traditionnelles domineront les festivals de cinéma occidentaux ?
Mais pour l'instant, nous n'avons pas de cinéma qui reflète nos valeurs traditionnelles. Cela est dû au fait que certaines personnes, qui ont pris le contrôle de la sphère culturelle, agissent comme des caillots dans un vaisseau sanguin, bloquant le flux d'un véritable développement culturel en Russie. Elles tentent de censurer et de diriger la production créative, mais elles sont tellement mesquines, insignifiantes et incompétentes que le résultat est une image pathétique et peu attrayante - surtout lorsque la médiocrité tente de censurer le talent.
Dans l'Empire russe, en revanche, les censeurs étaient des philosophes, des penseurs et des publicistes remarquables, comme Konstantin Leontiev. La censure est une question très délicate. Il faut savoir reconnaître le génie, même lorsqu'il ne s'inscrit pas dans des cadres rigides. En même temps, il faut aussi identifier et supprimer les tendances néfastes, qui ne sont pas toujours évidentes au premier abord.
La censure est un grand art. En bref, ce dont nous avons le plus besoin aujourd'hui, c'est de mettre un terme à la dictature de la médiocrité qui s'est installée en Russie au cours des dernières décennies.
Notes:
(1) Valery Gergiev, né à Moscou en 1953 de parents ossètes, est un chef d'orchestre et directeur d'opéra réputé. En décembre 2023, il a été nommé directeur artistique du théâtre Bolchoï, devenant ainsi la première personne à diriger simultanément les théâtres Mariinsky et Bolchoï. Le lien de Gergiev avec la culture russe est profond. Il a contribué à promouvoir la musique et les artistes russes sur la scène internationale, à défendre de jeunes talents comme la soprano Anna Netrebko et à faire revivre des opéras russes moins connus comme La ville invisible de Kitège de Rimski-Korsakov et Les fiançailles dans un monastère de Prokofiev.
(2) La « Puissante poignée », également connue sous le nom des « Cinq », était un groupe de compositeurs russes du XIXe siècle - Mily Balakirev, César Cui, Modest Moussorgski, Nikolaï Rimski-Korsakov et Alexandre Borodine - qui se sont unis dans les années 1860 pour développer un style national distinct de musique classique, libre des influences de l'Europe de l'Ouest.
(3) L'âge d'argent russe désigne une période culturelle dynamique qui s'étend de la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle, soit approximativement de 1890 à 1917. Cette époque a connu un essor exceptionnel de la poésie, de la littérature et des arts russes, marqué par l'émergence de divers mouvements artistiques, dont le symbolisme, l'acméisme et le futurisme. Parmi les figures marquantes de cette époque figurent des poètes tels qu'Alexandre Blok, Anna Akhmatova, Boris Pasternak et Marina Tsvetaeva. L'âge d'argent est souvent considéré comme une renaissance de la vie culturelle russe, comparable à l'âge d'or du début du XIXe siècle. Cependant, cette explosion créative a été freinée par la révolution russe de 1917 et les changements politiques qui ont suivi, qui ont conduit à un renforcement de la censure et de la répression, mettant fin à cette période remarquable de l'histoire culturelle russe.
17:03 Publié dans art, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : alexandre douguine, cinéma, russie | |
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lundi, 27 janvier 2025
Alexandre Douguine: MAGA - MEGA - MRGA. L'écouméne chrétien tripolaire
MAGA - MEGA - MRGA. L'écouméne chrétien tripolaire
Alexandre Douguine explore le potentiel d'une alliance tripolaire entre le MAGA, le MEGA et le MRGA pour résister au libéralisme mondialiste.
Alexandre Douguine
L'UE, dirigée par les mondialistes libéraux d'extrême gauche, est clairement hostile aux États-Unis de Trump. Mais le mouvement MEGA ("Make Europe Great Again") relève d'une tendance plus délicate. Reconnaissant envers les États-Unis pour s'être libérés de la dictature mondialiste, le mouvement MEGA ne peut pas être un simple outil obéissant aux Américains. Où est la grandeur ? Certainement pas dans la soumission totale.
MEGA ne peut donc pas être inconditionnellement pro-américain. Lorsque Steve Bannon est venu en Europe en 2017 pour tenter de soutenir le populisme de droite, il a découvert que la droite européenne (la Nouvelle Droite en premier lieu) était bien différente de ce qu'il présumait. Elle est gaulliste, sociale, anticapitaliste et anti-américaine. MEGA partage avec MAGA le rejet de DEI ("Diversity, Equity, Inclusiveness"), du wokisme, du libéralisme, du globalisme. Bien sûr, mais les valeurs traditionnelles de la vieille Europe diffèrent considérablement des valeurs traditionnelles du Nouveau Monde - initialement colonie de culture protestante anglo-saxonne, suffisamment éloignée de l'anglicanisme pour ne pas parler de la distance qui la sépare de l'Europe du Sud catholique.
L'Europe en tant que continent n'est pas une simple prolongation des États-Unis, comme pourrait le croire le MAGA. Le mondialisme libéral de gauche n'est pas la seule source d'hostilité virtuelle à l'Amérique de Trump.
Je propose une triple alliance contre le mondialisme: MAGA + MEGA + MRGA ("Make Russia Great Again", pour l'Empire russe, l'Eurasie). Ces trois univers ont des points communs et en même temps des différences. Mais il y a un ennemi commun - les mondialistes libéraux de gauche, le wokisme, le Swamp, Soros.
Les trois univers ont un ennemi intérieur - les élites libérales de gauche sont le principal obstacle pour Trump, pour le populisme européen et pour la Russie également (l'héritage d'Eltsine). Il est facile de prévoir quelle stratégie ces élites adopteront.
Les élites libérales aux États-Unis, en Europe et en Russie essaieront d'opposer les États-Unis à l'Europe et à la Russie, l'Europe aux États-Unis et à la Russie. La Russie à MAGA et MEGA. Elles joueront sur les différences et les gestes impérialistes maladroits de chaque pôle, inévitables avec la montée du patriotisme post-libéral.
Les États-Unis, l'Europe et la Russie ne sont pas des ennemis absolus les uns des autres. L'élite mondialiste libérale de gauche est l'ennemie absolue des États-Unis, de l'Europe et de la Russie. Et cette élite libérale mondialiste tente d'opposer chacun d'entre nous à l'autre en travaillant de l'intérieur. Divide et impera.
MAGA - MEGA - MRGA. Ecoumène tripolaire chrétien.
Ni unis, ni hostiles, ni divisés. Coexistence dynamique.
16:28 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : actualité, alexandre douguine, maga, mega, mrga | |
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mercredi, 22 janvier 2025
Il n'y a pas d'histoire sans philosophie
Il n'y a pas d'histoire sans philosophie
Alexandre Douguine
L'histoire est une séquence de blocs sémantiques appelés « événements ». Ceux-ci comprennent des personnalités, des processus, des changements, des oppositions, des catastrophes, des réalisations, des paysages sur lesquels tout cela se déroule et, en fin de compte, tout ce riche bloc de réalité à plusieurs niveaux s'élève jusqu'à sa signification. Et la signification d'un événement, à son tour, est inextricablement liée à la signification d'autres événements. C'est ainsi que se tisse la trame de l'histoire. En même temps, le sens d'un événement inclut la richesse infinie de ce qui constitue sa nature, son fondement.
L'histoire est donc quelque chose de spirituel, qui ne se révèle qu'à l'esprit philosophique rompu à la pratique de la contemplation des idées. L'histoire est un concept philosophique et même théologique; ce n'est pas par hasard que l'on parle d'histoire sacrée, où le sens des événements est révélé par des dogmes et des axiomes religieux, qui à leur tour révèlent ces dogmes et ces axiomes de manière détaillée et riche.
Toute l'histoire est structurée comme l'histoire sainte. Seules les versions séculières ont des dogmes et des axiomes différents - athées et matérialistes. Ici, à la place de Dieu, de l'Alliance, de l'Incarnation, du Salut, de la Providence, de l'eschatologie, se trouvent les lois immanentes de la terre, de la société, de la bio- et physio-logie, de la lutte inter- et intra-espèces, du destin, du climat, de la technologie, de la volonté de puissance, des formations historiques, etc.
L'histoire n'existe pas en dehors d'un système religieux ou idéologique
L'histoire n'existe pas en dehors d'un système religieux ou idéologique. Nous sommes aujourd'hui sur la voie des Lumières historiques. Il y a tout un décret présidentiel à ce propos. Mais nous n'avons pas de décret sur l'idée russe et la philosophie russe. Cela reste facultatif. De même, l'histoire reste suspendue dans un vide dogmatique et axiomatique. Pour l'un, cet événement signifie une chose, pour l'autre une autre, un troisième nie la signification même de cet événement, un quatrième en nie la réalité. Et il est impossible de réduire de force ce chaos et cet arbitraire en quelque chose d'unifié par un décret portant sur la seule histoire. Dans le meilleur des cas, un modèle artificiel superficiel sera formé, qui ne vivra de toute façon pas, même s'il est imposé à tous.
Nous devons nous engager à fond dans la philosophie
Jusqu'à présent, les autorités n'y prêtent aucune attention et la société ne s'y intéresse pas. Or, la philosophie, c'est le travail sur le code de programmation de la société. C'est le travail des programmateurs spéciaux de l'Esprit. Si nous n'avons pas de programmateurs souverains de l'Esprit, toutes nos disciplines historiques, sociales et humanitaires seront créées en dehors de la Russie, ce qui signifie que nous ne pouvons pas parler de souveraineté. Si l'État-Civilisation n'a pas de philosophie souveraine, cette souveraineté n'est finalement qu'une fiction.
Les philosophes sont en charge du sens des événements. Cela signifie qu'ils gèrent aussi les événements eux-mêmes. Il n'y a d'histoire à part entière que dans la société où il y a une philosophie à part entière. Sinon, la société et le pays vivent à la périphérie d'une autre civilisation, extérieure, dont les codes sont définis à l'extérieur et restent incompréhensibles. L'absence de souveraineté fait d'une société sans philosophie, et sans histoire, une société contrôlée de l'extérieur.
C'est pourquoi nous, Russes, n'avons pas de consensus sur les débuts de la Rus - sur les Slaves, Rurik, la tradition pré-chrétienne, l'acceptation du christianisme.
Nous n'avons pas de consensus sur l'État kiévien, ni sur sa fragmentation, ni sur les conquêtes mongoles et l'existence de la Russie en tant que partie de l'empire de Gengis Khan et de la Horde d'or.
Nous n'avons pas de consensus sur Ivan le Terrible, la zemshchina, l'oprichnina et la théorie de Moscou-Troisième Rome. L'interprétation de la relation de notre Église avec le Phanar n'est pas claire.
Nous n'avons pas de consensus sur les premiers Romanov, et nous comprenons encore moins le schisme russe.
Nous avons une divergence d'opinion totale sur le 18ème siècle pétrinien.
Nous n'avons pas de vision commune du 19ème siècle et de son tournant conservateur. La querelle entre slavophiles et occidentaux est réduite à peu de choses, elle est abandonnée, bien qu'elle ne soit pas terminée.
Il n'est pas surprenant que nous n'ayons pas de consensus sur les événements de 1917. Aujourd'hui, nous ne comprenons apparemment pas la signification de ces événements et sommes enclins à croire qu'ils n'ont pas eu lieu du tout.
Nous ne comprenons pas du tout pourquoi l'URSS a pris fin et comment il se fait que les années 90 ont commencé et que le pays s'est effondré et a perdu sa souveraineté, se transformant en une colonie de l'Occident.
Nous ne comprenons pas comment et d'où vient Poutine en tant que phénomène historique. Nous comptons beaucoup sur lui, mais nous ne sommes pas en mesure de l'expliquer ou de l'interpréter, ni de comprendre les conditions qui ont conduit à son règne. Je veux dire dans le contexte historique où la philosophie fonctionne.
Nous ne comprenons pas la raison d'être de Medvedev, ni ce qu'il fait aujourd'hui sur son canal Telegram.
Nous ne comprenons pas bien pourquoi nous avons commencé l'Opération militaire spéciale en 2022 et pourquoi nous ne l'avons pas fait en 2014. Il n'y a pas de consensus. Chacun à sa manière de voir et d'interpréter l'événement.
Personne n'est déconcerté par le fait qu'au cours des 40 dernières années, presque la même élite russe a changé à plusieurs reprises d'idéologie pour en adopter une autre, mais avec une apparence intelligente et importante, aujourd'hui grise et décrépite, elle continue à enseigner au peuple aveugle quelque chose qui lui est propre et que l'on ne comprend guère. Nous ne pouvons expliquer à personne, et d'abord à nous-mêmes, comment un membre du Komsomol devient un libéral, et un libéral devient un anti-libéral et un patriote, et ensuite, très probablement, un libéral et un anti-patriote à nouveau. La seule clé d'interprétation dont nous disposons est la célèbre chanson de la popstar Instasamka (photo).
Mais à partir de tout cela, il est tout simplement impossible de tresser le tissu spirituel de l'histoire russe. Et une nation qui n'a pas d'histoire n'a pas d'avenir. Or, l'avenir est aussi l'histoire, sa dimension nécessaire.
Dans un récit de Yuri Mamleyev, il y avait un personnage, une femme victime de violence, qui, lorsque le juge lui demandait s'il y avait eu violence ou non, bégayait soudain et répondait une seule phrase étrange : « C'est tombé tout seul ». C'est à cela que ressemble notre histoire: quelque chose est tombé tout seul. On ne sait pas très bien quoi, quand, où, qui l'a poussé, pourquoi... Mais ce n'est pas ce qu'est l'histoire. Ce n'est pas du tout cela.
18:47 Publié dans Actualité, Histoire, Nouvelle Droite, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, russie, alexandre douguine, hisoire, philosophie, nouvelle droite, nouvelle droite russe | |
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mardi, 21 janvier 2025
Le mystère de Twin Peaks - Derrière le surréalisme des films de David Lynch
Le mystère de Twin Peaks
Derrière le surréalisme des films de David Lynch
Alexander Douguine
J'ai récemment participé à un programme consacré à David Lynch dans le cadre du « projet Decameron », dans lequel plusieurs personnalités dialoguaient en ligne, racontant différentes histoires et discutant de différents films. L'émission s'intitulait « Guide to Kulchur ». J'ai été invité à parler de David Lynch. L'animateur et moi avons eu une conversation très intéressante. Je vais vous en raconter les principaux détails.
Bien que Lynch soit considéré comme un postmoderniste, un réalisateur populaire parmi les hipsters et les libéraux, l'organisateur du projet Guide to Kulchur, un conservateur de droite (Fróði Midjord) a déclaré qu'il aimait Lynch (se mettant ainsi probablement en opposition avec la plupart de ses propres partisans). J'ai répondu que j'étais un conservateur russe, mais que j'aimais aussi Lynch.
Mon collègue a remarqué que dans Twin Peaks, toute l'action se déroule dans une petite ville américaine sans bourse ni migration, où vivent des Américains ordinaires et classiques, et où tout ce qui leur arrive a le charme de la tradition aux yeux des Américains modernes. Twin Peaks est une sorte d'utopie conservatrice. Les gens marchent lentement, tout le monde se connaît, ils sont familiers avec les particularités de chacun ; même si les relations sont parfois exotiques et surréalistes, il s'agit de relations humaines. Elles ne font pas partie de la machine urbaine. C'est une utopie rurale américaine.
Je n'avais pas envisagé Twin Peaks sous cet angle, mais j'ai été heureux de le soutenir. Peut-être que pour les Américains avec leur culture spécifique, Twin Peaks est l'Amérique profonde, une vision de l'Amérique défendue par ceux qui ne sont pas d'accord avec la mondialisation, le libéralisme de gauche, la société civile, Soros, Obama, Clinton.... En quelque sorte, l'électorat de Trump, ou les gens ordinaires.
Il est intéressant de constater que lorsque Lynch montre les habitants de Twin Peaks comme des personnes extrêmement étranges vivant au bord de la folie, impliquées dans les perversions les plus profondes et se tenant au seuil de l'au-delà (qui envahit de temps en temps leur vie) - il s'agit toujours d'un monde idéal, pastoral et positif comparé au cauchemar que représentent les grandes villes américaines - paysages urbains, Art nouveau américain, l'opposé du backwoods.
Si la schizophrénie surréaliste d'une petite ville américaine est une antithèse positive (aux yeux de certains conservateurs) de l'Amérique urbaine, de Wall Street et des grandes entreprises, cela en dit long sur la société américaine. Il ne m'est jamais venu à l'esprit de voir Twin Peaks comme Macondo dans « Cent ans de solitude » de Marquez... Comme un monde idéal, une utopie. Et pour les Américains, peut-être une perspective possible...
Ensuite, nous avons parlé de la vraie Amérique, celle des petites villes comme Twin Peaks. J'ai noté comment Lynch reconstruit subtilement la structure à trois niveaux de l'image traditionnelle du monde. Avec de l'ironie, des rebondissements ironiques... Mais en fait, ce qui est étrange dans Twin Peaks, c'est que l'action se déroule sur trois niveaux à la fois.
Aussi étrange que cela puisse paraître, il s'agit d'une caractéristique traditionnelle du théâtre classique, où, outre les actions dans le monde du milieu, deux dimensions supplémentaires sont impliquées. Dans Twin Peaks, il s'agit de la Black Lodge et de la White Lodge. Elles sont en contact avec le monde de Twin Peaks - nous n'entendons pratiquement pas parler de la Loge Blanche, mais beaucoup de la Loge Noire. L'invasion de la vie mesurée de Twin Peaks par la Black Lodge crée des tourbillons, des distorsions de la vie spatiale et existentielle qui sont l'essence même du récit de Lynch.
En fait, Lynch reconstruit une ontologie tridimensionnelle, qui relève de la tradition classique du christianisme, des mythologies indo-européennes, des traditions non chrétiennes, grecques, etc.
Nous vivons dans l'une des dimensions, qui est conditionnellement au centre, et au-dessus et au-dessous de nous, il y a d'autres mondes. La Black Lodge de Lynch correspond à la mythologie classique, étant composée de nains ou de géants. Tous deux sont des types post-anthropologiques limites, entre lesquels nous trouvons l'humain. Les géants et les nains représentent des figures limitrophes nécessaires qui rappellent à l'homme la relativité de ses positions. De même, la présence de la Black Lodge et de la White Lodge souligne les limites de la compétence humaine. Là où commence la sphère d'influence de la Black Lodge, là explose la frontière de la compétence humaine. En particulier, Twin Peaks traite de l'invasion de Bob venu du monde inférieur, qui s'empare de Leland, le meurtrier, puis de Dale Cooper lui-même. C'est alors que la vision tridimensionnelle de la structure du monde change complètement d'accent: le surréalisme de Lynch cesse alors d'être dénué de sens comme il peut sembler l'être à première vue.
Lynch lui-même nous a dit que sa façon de faire un film n'est pas un scénario tout fait, mais plutôt un scénario qui est tourné et créé pendant qu'il est filmé. Ils savent seulement où ils vont - ils dessinent leur récit au fur et à mesure qu'ils se développent. Et parce qu'ils sont sensibles à l'influence des dimensions parallèles (en particulier la dimension inférieure), ils sont capables de reproduire brillamment l'atmosphère de suspense, les attentes.
Non seulement les spectateurs sont surpris par les rebondissements de l'intrigue, mais Lynch lui-même ne les connaît pas à l'avance. Il présente l'opportunité, et le film se tourne de lui-même. Cette attention aux dimensions supplémentaires (dont Lynch lui-même parle souvent) est le secret de la crédibilité de son film. Et Lynch lui-même est humble - il dit qu'il n'y a pas de réponse exacte. Qui a tué Laura Palmer ? En général, il ne voulait pas que le public discute de l'identité du meurtrier, mais la banale conscience américaine exigeait une fin heureuse, et les financiers étaient obligés d'accuser le père de Laura Palmer d'un crime irrationnel. Et ce, même si, dans la troisième saison, Lynch a ramené Laura Palmer à la vie, comme pour dire : « Vous pensiez avoir tout compris ? Vous n'avez rien compris. On ne comprend rien à Twin Peaks. Pour comprendre Twin Peaks, il faut vivre dans Twin Peaks, il faut entrer dans ce monde, il faut passer derrière les oscillations des invasions étranges qui, par une logique incompréhensible, sans l'algorithme habituel, se retrouvent dans la vie de la population, des citoyens de Twin Peaks, dont l'un parle avec son propre pied, l'autre - avec une bûche...
Mais progressivement, dans la conversation avec son pied, nous trouvons une référence à la philosophie du parlement des organes dans le post-moderne, la conversation d'une femme avec la bûche - ontologie orientée objet, quand la bûche est un certain sujet, ou même un objet radical qui supprime la complexité et l'intensité de la présence humaine dans le monde. Les visites périodiques de Lynch à la Black Lodge (on parle moins de la White Lodge - elle existe aussi, mais son influence est insensible, surtout dans le monde moderne) deviennent de plus en plus lumineuses et, dans un sens, on peut considérer la création de Lynch comme une chronique de l'invasion infernale, lorsque des entités intracorporelles pénètrent dans notre monde et commencent à l'influencer activement. Mais même si elle rencontre une certaine résistance, même la vie américaine traditionnelle est incapable de construire une véritable forteresse face à la Black Lodge, qui devient de plus en plus sûre d'elle, s'emparant de différents vecteurs, et nous entrons progressivement dans le domaine des miracles noirs.
La troisième saison, à mon avis, est beaucoup plus sombre que les précédentes - quelque chose a changé dans l'ontologie des Américains eux-mêmes, ou peut-être de chacun d'entre nous. La résurrection de Laura Palmer et son dernier cri (lorsqu'elle est morte et qu'il s'avère qu'elle ne l'était pas) sont comme le miracle noir de l'Antéchrist - c'est comme le miracle de la résurrection, mais il n'a pas de suite. Le noir ne signifie pas le fait d'être noir, mais un manque total de signification. Pour Laura Palmer, cette résurrection noire sans l'aide des forces de la lumière est une parodie fondamentale des temps récents.
En ce sens, Lynch dépeint l'invasion globale de ce qui se trouve sous la ligne de fond de la réalité humaine. En ce sens, son œuvre peut être considérée comme une preuve précieuse. Elle peut être interprétée comme postmoderne, mais le manque de sens de Lynch n'est pas une exploitation. C'est un point important, une hypothèse que j'ai émise au cours de cette conversation. Lynch est à égale distance de ceux qui ne comprennent pas ce qui se passe dans le monde moderne ; il peut les aimer, les inspirer ou les effrayer, les attirer, mais il n'est pas l'un d'entre eux.
Ce qui le distingue des maîtres de la falsification et du codage à Hollywood, c'est qu'il n'exploite pas l'idiotie des masses (il ne libère pas les masses de l'idiotie, mais il ne les exploite pas non plus). Il est exactement à mi-chemin entre les révolutionnaires (les films d'art et d'essai, qui deviendront un cinéma culte, révélant toute la vie et la profondeur de la chute) et les masses (bien qu'il n'exploite pas les goûts de la foule). En cela, je pense qu'il est plus proche de Tarantino, car il est sur le fil. Il ne fait pas un pas ni vers les masses, ni pour les sortir de ce rêve.
Cette ambiguïté, cette dualité du propos cinématographique de Lynch crée l'ironie. En grec, « ironie » signifie dire une chose et en signifier une autre. C'est le sens d'une rhétorique basée sur la courbure d'un énoncé direct et logique.
Le langage et l'art de Lynch déforment la réalité de manière à ce que quelqu'un puisse voir une chose dans un énoncé tout en sous-entendant l'autre. Mais ce n'est pas tout à fait ainsi que cela fonctionne dans le cas de Lynch. J'aimerais beaucoup que les gens essaient d'interpréter ce que dit Lynch. Il dit « A » - nous comprenons qu'il veut dire quelque chose d'ironique, une autre lettre, une lettre que personne ne connaît. Mais ce qui est intéressant, c'est que Lynch ne la connaît pas non plus. C'est la dualité et l'ironie métaphysique profonde de ses films.
17:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : david lynch, cinéma, alexandre douguine | |
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lundi, 20 janvier 2025
Hegel et le saut platonicien
Hegel et le saut platonicien
La philosophie politique de Hegel est très complexe. Elle s'appuie sur l'ensemble de son tableau philosophique. Comme nous l'avons vu, toute philosophie a toujours la possibilité de susciter une dimension politique.
Alexandre Douguine
Le 14 novembre 1831, le plus grand philosophe romantique de l'histoire mondiale de la pensée, Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831), est mort. Heidegger, tout comme Nietzsche, considérait Hegel comme celui qui avait achevé l'histoire de la philosophie du Logos occidental et comme celui qui incarnait l'apogée de l'histoire de la philosophie et de la philosophie en général. Si Platon était le philosophe du début, Hegel et Nietzsche étaient les philosophes de la fin. En ce sens, Hegel est le philosophe de la fin.
Tout est altérité de l'Autre
La philosophie politique de Hegel est très complexe. Elle s'appuie sur l'ensemble de son tableau philosophique. Comme nous l'avons vu, toute philosophie a toujours la possibilité de susciter une dimension politique. Comme Platon, Hegel, dans sa philosophie du droit, fait ce geste, prend toute sa philosophie et l'applique à la politique, c'est-à-dire qu'il situe explicitement la place de la philosophie politique dans le contexte de l'ensemble de sa philosophie. Par la philosophie, il explique la philosophie politique, en même temps qu'il clarifie la politique par sa dimension métaphysique.
À cet égard, Hegel est un philosophe classique qui inclut implicitement la philosophie politique. En ce sens, Heidegger avait parfaitement raison lorsqu'il disait que si l'on comprenait la Phénoménologie de l'Esprit, on pouvait en déduire tout le reste. En ce qui concerne la lecture, deux ouvrages fondamentaux de Hegel sont habituellement proposés : La Phénoménologie de l'Esprit et La Philosophie du Droit.
L'idée fondamentale de Hegel est qu'existe l'Esprit subjectif primordial, l'« esprit pour soi » (en allemand: der subjektive Geist). Ce point coïncide avec la thèse théologique sur l'existence de Dieu - l'Esprit subjectif est Dieu pour lui-même. Afin de s'employer pour l'Autre, cet Esprit subjectif se projette dans l'Esprit objectif (en allemand: der objektive Geist) dans lequel il devient nature et matière, c'est-à-dire que le sujet se projette dans l'objet.
On notera ici la différence fondamentale avec la topologie cartésienne qui a prédéterminé la structure de la modernité. Pour Descartes, il existe un dualisme entre le sujet et l'objet, alors que Hegel tente de supprimer ce dualisme et de surmonter le pessimisme épistémologique de Kant en distinguant la matière ou l'objet de l'Esprit. En fait, il ne s'agit que d'un développement du modèle kantien du « je suis » absolu, mais pris dans un modèle dynamique et dialectique. Si Fichte était une réaction à Kant, Hegel est une réaction à Fichte, mais en dialogue constant avec Kant et le cartésianisme.
Ainsi, Hegel soutient qu'il existe un esprit subjectif qui se révèle à travers l'esprit objectif par le biais de l'aliénation dialectique. La Thèse est l'Esprit subjectif et l'Antithèse est l'Esprit objectif, c'est-à-dire la nature. La nature n'est donc pas la nature puisque, selon Hegel, rien n'est identique à soi, mais tout est altérité de l'Autre, d'où le terme de « dialectique ».
Le cycle du départ et du retour : l'esprit absolu
En d'autres termes, il y a l'Esprit subjectif en tant que tel qui se projette comme Antithèse. C'est ainsi que commence l'histoire. Pour Hegel, la philosophie de l'histoire est d'une importance fondamentale car l'histoire n'est rien d'autre que le processus de déploiement de l'Esprit objectif qui acquiert à chaque nouvelle étape sa composante spirituelle qui constitue son essence. Mais le premier acte de l'Esprit objectif est de cacher son caractère spirituel, de s'incarner dans la matière ou la nature, et ensuite, tout au long de l'histoire, cette altérité de l'Esprit subjectif revient, par l'homme et l'histoire humaine, à son essence.
Mais il s'agit alors d'une nouvelle essence ; ce n'est plus l'Esprit Subjectif (l'« esprit pour soi ») ni un « esprit pour un autre », mais un « esprit en soi ». En d'autres termes, l'esprit revient à lui-même par sa propre aliénation. C'est ainsi qu'apparaît le cycle du départ et du retour, ce dernier étant plus important pour Hegel que le départ. Ce dernier crée les conditions préalables au retour, et le retour, passant le cycle entier, revient à l'esprit subjectif lui-même, devenant le troisième esprit - l'esprit absolu (en allemand: der absolute Geist). Autrement dit, il y a d'abord l'esprit subjectif, puis l'esprit objectif et enfin l'esprit absolu.
L'Esprit absolu, selon Hegel, se déploie au cours de l'histoire humaine et se dirige vers la fin de l'histoire.
Le sens de l'histoire est la réalisation de l'Esprit à travers la matière. D'abord, l'Esprit est lui-même, mais n'est pas conscient de lui-même, puis il commence à se réaliser, mais n'a pas de "lui-même". La nature abrite en elle-même les conditions préalables de l'histoire parce qu'elle est un élément de l'histoire. D'où l'histoire des religions, l'histoire des sociétés, et comme résultat du déploiement de l'Esprit à travers l'histoire, elle atteint son apogée à la fin de l'histoire, quand l'Esprit est pleinement conscient et est alors lui-même. Thèse, Antithèse, Synthèse. Ainsi, l'histoire est terminée.
Il s'agit là d'une image générale de la philosophie de Hegel, qui comporte de nombreuses nuances et complexités. Ainsi, selon Hegel, l'histoire évolue positivement, mais il s'agit d'un positivisme différent de celui de la philosophie de la Grande Mère. Le commencement titanesque implique qu'au début il y avait du moins et ensuite du plus. Dans sa lecture de Hegel, Marx a supprimé l'esprit subjectif et dit qu'il existe une nature qui se perfectionne elle-même. Il rétablit ainsi la philosophie de la Grande Mère selon laquelle tout croît à partir de la matière et de la nature.
Mais Hegel n'est pas Marx. Chez Hegel, cette croissance, ce processus, ce mouvement du bas vers le haut est basé sur le fait qu'au début, il y a eu un saut vers le bas. D'abord l'Esprit saute et tombe dans la nature, et donc la nature commence à croître, et la nature n'est pas tant autre qu'elle est l'altérité de l'Esprit. L'antithèse de l'Esprit n'est pas simplement son opposé, car il est lui-même sous une forme retirée. Le concept de « retrait » chez Hegel est très important, car l'Antithèse ne détruit pas la Thèse, mais la retire, l'absorbe et la démontre ensuite à travers la Synthèse.
Par conséquent, la thèse n'est pas absolue et l'antithèse n'est pas absolue. Elles sont toutes dialectiquement dépendantes. Seule leur synthèse est absolue, ce qui permet d'éliminer la thèse et l'antithèse. En ce sens, la compréhension hégélienne de l'histoire comme déploiement de l'Esprit se fait par phases: il y a l'Esprit subjectif (préhistorique), l'Esprit objectif, qui se manifeste à travers l'histoire, et enfin l'Esprit absolu, qui se manifeste à travers la tension supérieure de l'histoire, à travers la création d'une sorte de sommet culturel et sociopolitique, la pyramide de l'Esprit, qui est finalement devenu l'Absolu.
Hegel et l'idée de l'État allemand
Quelle est la place de la philosophie politique dans ce contexte ? Il est clair que, dans un certain sens, l'histoire devient politique. C'est pourquoi Hegel conçoit l'évolution des systèmes, des modèles et des régimes politiques comme des moments de devenir de l'Esprit absolu. La politique est la cristallisation de la synthèse. L'histoire politique est le mouvement de l'Esprit vers le devenir absolu. La politique est l'histoire de l'absolutisation de l'Esprit.
Hegel établit une hiérarchie entre les différentes formes politiques. D'une part, il s'agit d'une hiérarchie évolutive puisque chaque régime est meilleur que le précédent. Mais, contrairement aux idées de Marx, cette évolution n'est pas seulement le reflet de l'Antithèse, elle n'est pas le développement de la matière ou de la nature. Il s'agit de la distinction de l'Esprit qui était à l'origine inhérent à la matière et à la nature. Il n'y a donc pas de matérialisme ici. Il s'agit d'un schéma complexe qui combine l'option platonicienne (au début, il y avait l'Esprit et non la matière) et le modèle évolutionniste (dans lequel nous commençons à considérer l'histoire à partir de l'Antithèse, ce qui rappelle l'idée de la Grande Mère). Marx a évacué la partie platonicienne, d'où sa réinterprétation de Hegel dans un sens exclusivement matérialiste. Mais Hegel est plus complexe.
Un autre point important chez Hegel est la façon dont il définit la fin politique de l'histoire, le sommet du devenir de l'histoire politique et l'expression de l'Esprit absolu. Hegel dit ici quelque chose d'intéressant à propos de la Prusse et de l'État allemand. Les Allemands n'avaient pas d'État, donc historiquement il n'y avait pas d'expression de ce type. Ainsi, les Allemands absorbent la logique du mouvement mondial, et l'État prusso-allemand est l'expression de l'Esprit absolu. Toute l'histoire est donc un prélude à la formation de l'Allemagne au 19ème siècle. Hegel disait que les grands peuples sont ceux qui ont soit un grand État, soit une grande philosophie. Selon lui, les Russes ont un grand État, alors qu'au 19ème siècle, les Allemands n'avaient aucun État. Il s'ensuit que les Allemands doivent avoir une grande philosophie, puis un grand État.
Le plus frappant est que Hegel a formulé la philosophie d'un grand État allemand avant que l'Allemagne n'apparaisse sur l'échiquier européen. Il a forgé cette théorie alors qu'il vivait lui-même dans une Allemagne fragmentée en principautés qui n'avait rien d'un État puissant et fort. Hegel a rassemblé l'Allemagne, l'a dotée d'une mission intellectuelle et a créé, avec Fichte et Schelling, le concept idéaliste et romantique de l'État allemand en tant qu'expression de l'Esprit devenant absolu. L'apogée et la fin de l'histoire, selon Hegel, est donc l'État allemand.
De plus, Hegel pensait que le système politique le plus optimal était une monarchie éclairée dominée par des philosophes politiques hégéliens, porteurs de la synthèse de l'esprit du monde entier, qui reconnaissent la logique de l'histoire mondiale. Hegel se considérait comme un prophète de la philosophie, de l'humanité et de l'Allemagne et, dans un certain sens, comme un mystique. Sur le plan méthodologique, la philosophie de Hegel était absolument rationnelle, mais elle était irrationnelle dans ses prémisses. Il a étayé l'idée que la société civile, la Révolution française et l'époque des Lumières constituaient un autre moment dialectique dans la formation de la monarchie éclairée. La société civile est ce qui permet à la monarchie de se développer et que la monarchie abolit ensuite. Hegel était donc un monarchiste mystique qui considérait que la logique de l'histoire était le chemin des différentes formes politiques vers la monarchie à la façon russe.
Il n'est pas surprenant que cette idée ait été reprise par les fascistes italiens, en particulier dans la théorie de l'État italien de Giovanni Gentile, qui était un hégélien. Paradoxalement, ni le fascisme ni le nazisme ne peuvent être considérés comme des représentants du nationalisme classique. Dans ces deux visions du monde, certains éléments ne se prêtent pas à être considérés comme des formes classiques ou même radicales du nationalisme bourgeois européen, car dans ce cas, l'ajout de l'instance hégélienne sous la forme de l'Esprit subjectif et toute la métaphysique de l'histoire que Gentile a posée dans les fondements de la théorie du fascisme italien n'étaient que de l'hégélianisme appliqué à l'Italie.
Bien qu'il soit considéré comme un classique de la philosophie politique, Hegel est un cas plutôt complexe, composite. Sa philosophie politique ne reflète pas l'idéologie de la troisième voie, et la théorie marxiste a été construite sur un hégélianisme métaphysiquement tronqué. En d'autres termes, l'hégélianisme « de gauche » est devenu la base de la deuxième théorie politique, et l'hégélianisme « de droite » a influencé certaines des particularités de la troisième théorie politique. Par ailleurs, l'idée hégélienne de la fin de l'histoire a été reprise et appliquée au modèle libéral par son élève Alexandre Kojève [1], son disciple Francis Fukuyama et d'autres philosophes. Marx a appliqué la « fin de l'histoire » au communisme, Gentile à l'État et certains philosophes hégéliens au triomphe de l'ordre mondial libéral. Selon ces derniers, la société civile n'est donc pas un prolégomène à la monarchie (comme le pensait Hegel lui-même), mais l'apogée du développement de la civilisation humaine.
Cette idée a été reprise comme prémisse par Francis Fukuyama, qui a employé le terme de « fin de l'histoire ». Ce terme était d'une importance fondamentale pour Hegel dans la mesure où il marquait le moment final de l'accomplissement par l'Esprit de sa phase absolue à travers l'histoire, le moment dialectique du retour de l'Esprit à lui-même, en lui-même et pour lui-même - la Synthèse.
Ainsi, nous pouvons trouver dans l'hégélianisme les trois idéologies classiques de la modernité, mais cela ne signifie pas que l'hégélianisme puisse être qualifié du point de vue de l'une ou l'autre d'entre elles. Hegel est plus large que toutes les théories politiques de la modernité et ne tombe donc en aucune d'entre elles. Il y a donc dans l'hégélianisme ce qui a été volé par fragments par les trois idéologies politiques de la modernité, ainsi que ce qui n'a pas été pris, comme l'idée de l'Esprit subjectif primordial qui précède tout mouvement descendant. Cet élément du saut platonicien primordial, le néoplatonisme, qui transite ensuite dans des topologies plus ou moins progressives-évolutives, nous permet de ne pas classer Hegel parmi les philosophes ou philosophes politiques de la modernité, car, comme nous l'avons vu, le paradigme de la modernité ne présume aucune composante matérielle préalable.
Une lecture non libérale, non marxiste et non fasciste de Hegel nous permet de révéler ses composantes pour une alternative à la modernité et de l'intégrer dans la Quatrième Théorie Politique. Par cette opération, nous déplaçons Hegel de l'époque de la modernité dans laquelle il a vécu et pensé vers un autre contexte. Il s'agit d'un autre Hegel, d'une autre philosophie politique de Hegel dans laquelle l'accent est mis sur le saut platonicien vers le bas. Cette partie de sa philosophie n'a pas reçu, et ne pouvait pas recevoir, d'incarnation politique dans le cadre du paradigme de la modernité. Néanmoins, elle peut trouver son expression dans le contexte de la Quatrième théorie politique.
Note :
[1] Le philosophe russe Alexandre Kozhevnikov a changé son nom en Alexandre Kojève après avoir émigré.
17:53 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : hegel, hegélianisme, philosophie, alexandre douguine | |
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